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Otto Lueger

 

 

La condamnation de l’Action Française :

Ça suffit la désinformation !

 

 

 

 

 

 

A tous les catholiques et royalistes : on vous trompe !!!

 

 

 

Editions du chouan embusqué

 

 

 

 

 

 

 

La vérité vous rendra libre. (Jean, 8, 32)

 

La vérité hors de la charité n’est qu’une idole. (Blaise Pascal)

 

La politique est la première des charités car elle vise au bien du plus grand nombre. (Pie XI)

 

 

 

 

 

« Soyons habiles…, ayons la ruse, pratiquons la violence.

Nous devons être, tout à tour, des combattants, des apôtres, des proxénètes. »[1]

(Action Française, 1er septembre 1905, page 317, article de M. Hugues Rebell.)

 

« Ayons de l’argent, et par l’argent, achetons tous les moyens et tous les mobiles. Achetons les femmes, achetons les consciences, les trahisons. »

(Action Française, 1er mars 1908, page 417, article-lettre de M. Poulard.)

 

« Nous portons légèrement, nous portons fièrement tout reproche d’avoir attenté à la vie privée… »

(Action Française quotidienne, 10 décembre 1910.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Table des Matières

 

 

 

Table des Matières. 2

Introduction. 3

I] Maurras et la Contre-Révolution. 5

1) Le silence et le mépris par l’Action Française des autres forces contre-révolutionnaires  5

2) L’orgueil de Maurras et le mépris des « dissidents ». 6

3) Sa monarchie : un d’Orléans. 7

4) Le mépris de l’Action Française pour les naundorffistes. 8

a) L’aveu de Maurras : 8

b) Le silence sur les réponses des naundorffistes. 10

5) Une étrange conception de la Monarchie. 11

a) Dictateur et Roi 11

b) Une conception de la Monarchie toute charitable…... 11

II] Maurras, un « Maître » à ne pas suivre…... 12

1) Sous l’égide d’Anatole France. 12

2) Les écrits païens de Maurras. 13

3) Les écrivains recommandés à la jeunesse. 15

4) Maurras, un métèque. 18

5) Maurras, un païen. 19

6) Maurras, Romain ?. 20

III] Quelques mots sur Léon Daudet, Jacques Bainville, et l’Institut d’Action Française  21

1) Léon Daudet, une origine juive. 21

2) Jacques Bainville. 23

3) L’Institut d’Action Française. 25

IV] La condamnation de l’Action Française. 25

1) La condamnation de 1914, par le Pape Pie X.. 26

2) Maurras, maître de la jeunesse catholique. 27

3) La condamnation de 1926 : les péripéties. 28

4) La condamnation du 29 décembre 1926, par le Pape Pie XI 32

5) Maurras et Pie X.. 34

6) Les erreurs du cardinal Andrieu. 43

7) Toujours l’antigermanisme primaire. 46

V] La Levée de l’Index. 48

1) La lettre de soumission présentée par le conseil de direction de l’Action Française  48

2) Le Décret du Saint Office levant la prohibition du journal l’Action Française  49

VI] Mais Maurras récidive, avec son ouvrage Le Bienheureux Pie X, sauveur de la France  51

Conclusion. 52

Annexe I : L’audience de Pie X à la mère de Maurras. 53

Annexe II : Mgr Lefebvre et l’Action Française. 54

 

 

 

 

 

 

 

Introduction

 

 

 

Dans les milieux catholiques traditionalistes et les milieux royalistes, règne un affreux conformisme, une affreuse désinformation. Les sujets sont multiples. Nous allons nous occuper dans cette petite étude de la condamnation de l’Action Française.

 

Voici ce qu’un jeune, bien « formaté », croit de cette affaire :

_ La condamnation de l’Action Française fut un second Ralliement ; L’Action Française fut condamnée, car royaliste.

_ L’Action Française n’a jamais été condamné par Pie X.

_ L’Action Française a vu sa condamnation levée par Pie XII, sans qu’elle rétracte ses erreurs.

 

Et pourtant, comme nous allons le voir, tout est faux !

Il y a eu un matraquage, par les partisans d’Action Française, de leurs faux arguments, depuis la condamnation jusqu’à aujourd’hui.

Les arguments qu’utilisèrent les néo-royalistes de l’Action Française lors de la condamnation, on les trouve exactement pareils aujourd’hui dans les écrits de leurs partisans.

Citons par exemple l’ouvrage « référence » de Lucien Thomas : L’Action Française devant l’Eglise (Nouvelles Editions Latines, Paris, 1965) ; et plus récemment, les ouvrages de Philippe Prévost, notamment : La Croix, la croix gammée et les fleurs de lys (C.E.C., Paris, 1999).

 

Philippe Prévost  affirme, comme ses prédécesseurs, que « L’Action Française fut condamnée en 1926 par son refus du ralliement à la République  et pour son hostilité à la politique pro-allemande de Briand. »

Selon la CRC, la condamnation de 1926 fut un « second Ralliement sous  peine de sanctions » :

« Cette intervention du Pape dans la vie nationale française apparaît en effet comme une œuvre de défense républicaine, un second ralliement. Léon XIII avait fait une obligation morale aux catholiques de devenirs républicains, mais sans appliquer de sanctions aux contrevenants. Pie XI, lui, infligeait des peines extrêmement graves à tout opposant. On n’avait jamais vu ça ! »

Etc.

 

Nous savons que Maurras, ambitionnant une carrière littéraire, est marqué par des auteurs qui seront ses principaux Maîtres : Taine, Renan, Nietzsche, Stendhal, Proudhon, et surtout Auguste Comte qui sera son repère philosophique et plus, son Maître dans l’action.

Sa lutte contre le sillonnisme lui procura l’estime de beaucoup de catholiques intégraux.

Les modernistes, se fondant sur l’incohérence des « Maîtres » de Maurras, commencèrent à faire le siège de Rome pour que les écrits de Maurras soient condamnés.

Mais également dès 1910, des clercs anti-libéraux mirent en garde les catholiques contre la doctrine maurrassienne. Qu’un agnostique ait une doctrine naturaliste, rien de plus logique. Mais que cette doctrine soit une référence pour des catholiques, voilà le danger.

 

Ne parlons même pas de l’antigermanisme primaire de Maurras, inconciliable avec les principes chrétiens.

Ni de son attitude non contre-révolutionnaire durant les deux guerres mondiales.

L’ « Union Sacrée » fut une belle bêtise, comme le fait remarquer l’historien Jean de Viguerie. Pierre Pujo écrit, dans l’ Action Française du 7 octobre 2004 :

« La France était envahie. Il fallait la défendre sous peine de subir la loi humiliante du vainqueur. Les Français ont fait taire leurs divergences idéologiques et politiques pour courir aux frontières. »

Mais la France était déjà envahie : elle était sous dictature judéo-maçonnique. Alors cette guerre entre la République Française et l’Allemagne, les catholiques n’auraient pas du y participer. Comme en 1940. Les catholiques ont-ils pris les armes pour lutter contre la République laïque ? Non. Mais là, le territoire Français est envahie, alors, là, oui, on les voit prendre les armes, le maquis, etc.…  Qui a dit Incohérence ?…

 

Mais nous ne développerons pas plus ce sujet, et concentrons nous sur l’objet de notre étude.

 

Pour ce faire, nous nous sommes beaucoup inspiré de l’ouvrage d’Ernest Renauld : L’Action Française contre l’Eglise catholique et contre la Monarchie (Tolra, Paris, 1937).[2]

 

 

 

 

 

 

I] Maurras et la Contre-Révolution

 

 

 

1) Le silence et le mépris par l’Action Française des autres forces contre-révolutionnaires

 

 

Contrairement à ce que pourrait penser une jeune royaliste de maintenant, l’Action Française n’était pas la seule force contre-révolutionnaire.

Comme l’écrit Louis-Hubert Rémy, dans sa Lettre réservée aux Amis du Christ Roi de France. (N° 9 et N° 10, juin 2002) :

« Maurras n’a pas formé de vrais contre-révolutionnaires. Il a même occulté, caché, étouffé, les vrais anti-révolutionnaires, les vrais antilibéraux.

Maurras ne les citera pas, même ceux qui seront ses contemporains, comme Mgr Jouin, Mgr Delassus ou Théotime de Saint-Just ! Ce silence est révélateur. Aujourd’hui encore les Maurrassiens ne les citent pas. »

 

Il y avait en effet dans l’Action Française le silence le plus absolu sur la formidable Revue Internationale des Sociétés Secrètes.

 

Rappelons également le combat des légitimistes avec leur revue La Monarchie Française, revue bi-mensuelle (1911-1912) qui polémiqua vigoureusement avec l’Action Française. Elle fut fondé par de Maillé et Maurice de Jonquières et dirigé par de Cathelineau Montfort.

La Monarchie Française tentait de lutter contre le positivisme de l’Action Française.

Puis, la lutte continua en 1913, avec le Drapeau Blanc, d’Emile Para, transfuge de l’Action Française.

 

Même parmi les orléanistes, beaucoup refusèrent d’adhérer à l’Action Française. Nous pouvons citer certains orléanistes du Gaulois (puis du Figaro) et enfin les orléanistes autour d’Ernest Renauld, ancien directeur du Soleil.

 

Parlons également de La Gazette Française :

Périodique créée en mai 1924 par des jeunes royalistes : Paul Gilson, le comte de La Bouillerie et Amédée d’Yvignac. Bimensuel puis hebdomadaire, le périodique à pour sous-titre : « Organe de politique chrétienne ».

« Formé depuis l’école communale à une morale stricte, Amédée d’Yvignac désapprouve les mœurs, qu’il juge trop libres, des camelots du roi. Sa conception de la monarchie n’est pas identique à celle de Maurras : elle est plus proche de celle de Saint Louis que de celle de Louis XIV.

Enfin, élève du chanoine Lallement et de Maritain, il juge insuffisante l’attention portée à l’enseignement des Papes.

Le nouveau périodique réunit autour de lui une équipe de jeunes talents, Jean Daujat, Pierre Arthuys, Jean de Fabrègues, André Romieu, André Piettre, Louis Salleron, Pierre Godmé (alias Jean Maxence).

Robert d’Harcourt et Du Plessis de Grénédan y collaborent aussi. »[3]

La plupart se soumettront au moment de la condamnation de l’Action Française.

La Gazette Française devint ainsi l’hebdomadaire des royalistes ayant fait leur soumission à l’Eglise après la condamnation de l’Action Française par le Vatican.

 

 

2) L’orgueil de Maurras et le mépris des « dissidents »

 

 

Jean Madiran -  qui a pourtant les mêmes idées que Lucien Thomas, Philippe Prévost, etc., concernant la condamnation de l’Action Française -  reconnaît dans son livre : Maurras (Nouvelles Editions Latines, Paris, 1992), pages 38 à 43 :

« La tradition d’Action Française n’est pas critique et ses fidèles n’y font aucune défalcation du passif. Il n’est pas niable que Maurras lui-même soit à l’origine d’une telle attitude.

Il l’adopta d’abord, on le suppose, par tactique autant que par travers. Quiconque n’admettait pas que l’Action Française avait eu raison dans tous ses actes politiques était réputé complice conscient ou inconscient des « Boches », des « Juifs », des « francs-maçons », de l’ « Anti-France ». Avertis par leur propre expérience ou par des expériences antérieures, la plupart des « hommes de droite », écrivains ou politiques, ont préféré ne pas parler de l’Action Française plutôt que d’exprimer des critiques ou des réserves qui auraient été utiles à tout le monde : mais elles auraient été accueillies par l’Action Française comme désobligeantes, elles auraient donné lieu à des hostilités en règle, où toute la puissance sociologique et publicitaire du quotidien, du mouvement, des Camelots du Roi, réputait l’audacieux un imbécile ou un traître, un calomniateur ou un escroc, un menteur ou un vendu, avec un grand luxe d’apostrophes, d’invectives, de chahuts et de coups. La diffamation, au sens propre, était systématique, et remarquablement organisée.

Elle fut féroce pour ceux qui, s’étant un moment trouvés d’accord avec l’Action Française, s’en séparaient sans avoir conscience de commettre un sacrilège ni de rompre un lien sacré, et avaient l’innocence de prétendre donner posément leurs raisons : ces raisons étaient annulées par le vacarme, expliquant toujours leur dissidence par leur mauvaise humeur, leurs mauvaises mœurs et leur sottise. […] Ces « dissidents » étaient mis au-dessous de tout, comme s’ils avaient renié la vraie foi, déchiré la robe sans couture de l’Eglise ou brisé un mariage indissoluble. […]

L’Action Française avait pris dans son comportement quelque chose des allures d’un Eglise. La quitter ou la contrecarrer était devenir comme l’équivalent d’un pécheur public. […]

Maurras n’a sauvé la France d’aucune des catastrophes qu’il voyait venir, qu’il dénonçait, auxquelles il barrait la route, et qui sont venues quand même, et plus profondes encore qu’il ne les avait prévues. Ni la France ni rien de surnaturel ne sera jamais sauvé sans Jésus-Christ. »

 

3) Sa monarchie : un d’Orléans.

 

 

Nous savons qu’Orléans a voté la mort du roi.

Or, tout prince du sang coupable du crime de lèse-majesté est déchu, lui et ses descendants, de tous ses droits d’hérédité.

Cette loi n’est que l’application aux princes d’un principe de droit commun, d’après lequel le meurtrier n’hérite pas de sa victime.

Les lois divines et humaines – d’accord avec la Morale, le Droit et la Justice – ne permettent pas d’hériter de sa victime. Ce ne sont pas des sentiments qui peuvent créer un droit inexistant, ni recréer un droit éventuel irrévocablement perdu.

 

Ne parlons même pas de la substitution Chiappini…[4]

 

Il faut lire les confidences racontées par Paul de Pradel de Lamase dans ses souvenirs édités en 1942 par son fils, sous le titre Légitimisme et Papauté (page 162-163). Étant à Rome en 1891, il eut une entrevue de trois heures avec Léon XIII, dont il donne tous les détails, et où le Pape lui expliqua les raisons du Ralliement :

« Il fut évident aux yeux de tous que la stratégie politico-religieuse de Léon XIII était dirigée principalement contre les Orléanistes (p. 201), …dont la présomption et l’outrecuidance fut toujours sans borne. Plus dépourvus de religion que nombre de révolutionnaires, …ils s’imaginaient qu’il suffisait de quelques affirmations de principe pour duper les dépositaires de la religion. »

Comme l’écrit Louis-Hubert Rémy :

« Un d’Orléans ! Un descendant de celui qui a voté la mort du Lieutenant de Dieu, le seul qui a fait frémir l’Assemblée quand il a voté la mort. Quel blasphème ! Quelle parodie ! Cela seul suffirait à vomir Maurras.

Et cette monarchie, est-ce bien la monarchie très chrétienne, seule admissible pour un vrai chrétien français ? Est ce bien un Lieutenant du Christ que l’on veut voir régner ? On est obligé de constater que si, pour nous, un auteur comme le Marquis de La Franquerie est la référence par son livre La Mission Divine de la France, les maurassiens évitent de citer et l’auteur et le livre, et ne cachent pas en privé, comme nous l’avons maintes fois constaté, leur mépris pour notre ami et son livre. »

 

Mais le plus beau, c’est de savoir pourquoi et comment Maurras est devenu orléaniste. C’est là qu’il nous faut parler des naundorffistes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

4) Le mépris de l’Action Française pour les naundorffistes

 

 

a) L’aveu de Maurras :

 

 

Il écrit, dans l’Action Française du 22 janvier 1923, page 1, colonne 4, à propos de l’anniversaire de la mort de Louis XVI :

« Il nous parait que l’accession de la branche cadette à la légitimité est un fait destiné à rallier un jour tous les partis, toutes les familles, toute la postérité française à celui qui unit à la plénitude du droit, le souvenir de cette part douloureuse prise aux pires erreurs révolutionnaires. Un Chambord, quelle que fut la droiture de son cœur, pouvait toujours être accusé de ne rallier que les descendants des Français fidèles.

Le Duc d’Orléans peut dire : « Vous voyez, tout autant que le Martyr et ses Petits-fils, j’ai le droit, la Tradition, le programme d’ordre, de conservation, de réforme et de rénovation. Et je suis en même temps dans la faute, le regret, la réparation et la réaction que cela exige. »

 

Le « Martyr » est ici et ne peut être que Louis XVI, à la mort duquel est consacré tout le contexte, en raison de l’anniversaire du 21 janvier 1923. Le fils du Martyr ne peut être que Louis XVII. Et les petits-fils du Martyr ne peuvent être que les fils de Louis XVII et leurs descendants.

 

Voici ce qu’écrit que le Prince Charles de Bourbon, dans la revue naundorffiste Flos Florum de juillet-août 1939 :

« Quelqu’un me rappelait, il y a quelques jours, la phrase écrite par M. Charles Maurras, dans le journal l’Action Française, du 22 janvier 1923 – quand parlant du duc Philippe d’Orléans, il parlait aussi du martyr (Louis XVI) et de ses Petits-fils !!!

Ceci m’amène à préciser et à publier des souvenirs anciens, tant de mon regretté frère Jean III que de moi-même, et qui sont restés nets et vivants dans ma mémoire.

En 1898, le mariage du Prince Jean de Bourbon, à Lunel, fit grand bruit dans la région, bruit qui gagna non seulement la Provence, mais l’Europe entière. Dans le même temps, se constituait aux environs d’Aix en Provence, une initiative royaliste comprenant l’élite de la jeunesse et qui prenait le nom de « Groupe royaliste provençal ». Le grand poète Mistral en était président et ses plus actifs collaborateurs étaient :

Jean Carrère, héros du soulèvement du quartier latin en 1893 à propos de l’affaire Nuger et qui devint correspondant du journal Le Temps à Rome.

Hugues de Molins, de grande activité royaliste.

Charles Maurras, académicien en herbe et déjà helléniste distingué.

Joachim Gasquet, poète de valeur reconnue.

Mme Marie Gasquet, sa charmante femme qui, à cette époque, était justement reine du félibrige ;

Et quantité d’autres qui ne participèrent pas à l’ambassade dont il va être question.

Environ un mois après son retour de voyage nuptial, le prince Jean – Jean III de Jure – fut sollicité de donner une audience à une délégation du groupe royaliste provençal. Elle était composée des personnes précitées, à l’exception de Mistral et de Charles Maurras.

Ce fut le poète Joachim Gasquet qui prit la parole, disant :

« Mgr, nous avons l’honneur de nous présenter à Votre Altesse Royale en qualité de représentants de l’unanimité du groupe royaliste provençal. Nous avons décidé de tout faire, au besoin de tout sacrifier de nos intérêts personnels, pour rendre à la France son roi légitime afin de la sauver du désordre dans lequel elle est tombée. Nous connaissons à fond l’histoire des tribulations subies par votre aïeul Louis XVII. Pour tout dire, nous sommes tous convaincus que le soi-disant Naundorff était le fils de Louis XVI et que, par conséquent, Votre Altesse Royale chef de la branche aînée de la descendance du roi martyr est bien le roi de droit.

Pour mener à bien notre action royaliste, nous avons besoin, oh ! moralement seulement, d’être approuvés et soutenus par notre Prince, aussi, sommes-nous chargés de venir demander respectueusement à Votre Altesse Royale de consentir à encourager notre mouvement, en un mot : à être notre étendard. Si votre Altesse y consent, une grande fête sera prochainement donnée, sous sa présidence, au domicile de notre Président, le poète Mistral, à Maillanne, et ce sera pour nous non seulement un immense honneur, de faire entendre à Votre Altesse Royale de toutes nos voix unies pour le salut de la France, la première acclamation du roi Jean III. »

Jean III accepta et, peu après, la grande et première réunion avait lieu. En un magnifique banquet, plus de soixante couverts réunissaient, chez Mistral les plus fervents royalistes de Provence et même d’ailleurs.

La vice-présidence était donnée à Sa Grandeur Mgr d’Aix et M. Charles Maurras était du nombre.

Jusqu’à l’année 1903, ces banquets se renouvelèrent et, chaque fois, Jean III y était acclamé, tandis que des serments étaient prononcés de lui rendre le trône de ses ancêtres.

Cette année 1903 se trouve aux environs de la fondation de la Revue Grise par Charles Maurras et Vaugeois, qui précéda celle, plus importante, de l’Action Française.

Qui ne connaît les difficultés qui empoisonnent la vie des revues et des quotidiens, surtout aux environs de leur naissance. Pour la Revue Grise, elles furent grandes. Si grandes, qu’un beau, ou pour mieux dire : un mauvais jour, une sorte de conseil de guerre fut tenu, au cours duquel fut examiné le cas de l’inculpé Jean III, qui était dans l’impossibilité de fournir les fonds, ainsi que le cas d’un autre inculpé, absolvable, celui-là, et nommé duc Philippe d’Orléans, absolvable parce que capable de « financer » l’entreprise.

Les débats furent serrès. D’après des indiscrétions, l’ont su que Vaugeois soutenait la légitimité et les droits de Jean III, tandis que Charles Maurras, jugeant sous l’angle « finances indispensables » défendait le duc Philippe. La « finance » l’emporta. Et c’est ainsi que les précurseurs et fondateurs de l’Action Française passèrent avec armes et bagages au camp orléaniste après avoir acclamé Jean III, à cette époque héritier légitime de la couronne capétienne par le sang d’Henri IV et de Louis XVI le Martyr.

Ils ne semblent pas en avoir été bien récompensés ! »

 

 

b) Le silence sur les réponses des naundorffistes

 

 

Le Me de Roux a posé dans l’Action Française, sous le titre : « Louis XVII et les Faux-Dauphins », le problème de la monarchie légitime. En sept articles, il entend démolir la thèse de la survivance de Louis XVII.

Louis Champion, directeur de la Légitimité, adressa alors une lettre au « Directeur de l’Action Française » en réponse aux articles de Me de Roux.

Silence de l’Action Française

Voici donc la nouvelle lettre qu’adressa L. Champion, à « Monsieur l’avocat Me de Roux aux bureaux de l’Action Française. » :

« Maître,

Le 18 janvier, à 5h30 du soir, je suis allé moi-même déposer entre les mains de l’employé chargé de recevoir les communications à la porte des bureaux de l’Action Française, la lettre que j’adressais au directeur de ce journal en réponse aux articles que vous avez fait paraître sur la question Louis XVII dans les numéros du 29 décembre au 4 janvier, et ou ma revue La Légitimité était prise à partie.

Bien que ce fût mon droit strict et légal, je ne faisais cependant appel qu’à la courtoisie professionnelle de M. Daudet.

Cependant, cette réponse, M. Daudet n’a pas osé la publier.

La voici…[5]

Rien, dans cette lettre, je vous en fais juge, ne doit l’empêcher d’être impartial. Je ne puis conclure qu’à une crainte de sa part de voir ses partisans ouvrir les yeux et poser des questions. C’est une maladresse qu’il oppose à notre loyauté habituelle et dont ses lecteurs seront tôt ou tard juges.

Je vous signale le fait afin de vous permettre de faire le nécessaire et d’exiger de M. Daudet la réparation que tout homme d’honneur ne refuse pas à un adversaire correct, et pour ne pas paraître ainsi partager la responsabilité d’un silence qui ne serait qu’une duperie.

Veuillez agréer, Maître, l’assurance de ma considération distinguée.

L. Champion. »

 

Les gens qui se posent en défenseurs du droit et de la justice et qui ont refusé d’insérer une explication aussi loyale et mesurée, ces gens-là sont de mauvaise fois.

Royalistes ou non, tous les honnêtes français tireront la conclusion.

 

« Les dirigeants de l’Action Française ne sont pas monarchistes légitimistes, mais des Orléanistes.

Le duc d’Orléans veut-il servir sa patrie ? C’est son droit, c’est son devoir.

Chef de parti, qu’il se mette à la tête des ligues de patriotes, si celles-ci veulent bien le suivre, et qu’il sauve le pays.

Il pourra être un dictateur ; mais il n’est pas le Roi ; il n’est pas l’héritier légitime de ceux qui, en mille ans, firent la France.

Il n’est que le descendant de l’assassin de Louis XVI et l’arrière-petit-fils du détrousseur de trône, du Roi des Barricades : Louis-Philippe.

L’Action Française s’est lancée dans une dénégation impossible et dangereuse dont maintenant, quoi qu’elle fasse, elle ne peut plus sortir qu’amoindrie et discréditée.

Les chefs de l’Action Française trompent leur partisans et essayent de justifier leur politique par un opportunisme qui fait trop bon marché des principes et une possession d’état qui n’avait cependant pas pesé lourd dans la balance de Louis-Philippe.

Leur œuvre sera vaine. On ne bâtit rien de solide sur le mensonge et l’imposture, et le droit ne se prescrit jamais. Tout se paie.

Nous, catholiques légitimistes, nous croyons plus que jamais à la justice immanente. »[6]

Cette affaire est racontée dans l’ouvrage du naundorffiste de Saint-Clair : L’Histoire de Louis XVII par les Orléanistes. Réponse à l’Action Française. (Luçon, imprimerie S. Pacteau, 1926).

5) Une étrange conception de la Monarchie

 

 

a) Dictateur et Roi

 

 

Maurras entra vers 1892 à la Gazette de France, journal catholique et royaliste. La collaboration de Maurras fut d’abord purement littéraire, car il avait horreur de la Politique et répétait à tout venant : « La Politique n’existe pas ». Puis, il devint royaliste et se fit champion de la devise : « Politique d’abord ».

Le royalisme de Maurras était particulier : la dictature, et il est resté fidèle à cette conception de la Monarchie. Au cours de l’hiver 1899, il voulut publier dans La Gazette de France, un article pour établir que la Monarchie doit être une dictature. Ce fait est confirmé par Louis Dimier dans son livre : Vingt ans d’Action Française, page 19 :

« Sous un titre où les mots Dicteur et Roi se trouvaient associés, M. Maurras tint prêt, pour La Gazette de France, un article où était expliqué l’assemblage, et que M. Janicot ne voulut jamais laisser paraître. »

Son article ayant été refusé à La Gazette de France, il résolut de publier une brochure intitulée : La Monarchie, c’est la Dictature ; et il sollicita des adhésions auprès de personnalités royalistes qui, toutes, se dérobèrent. Il fit alors imprimer sa brochure : Dictateur et Roi, comme le rappelle et le corrobore l’Action Française du 14 avril 1934.

 

Puis il publia en 1899-1900, l’Enquête sur la Monarchie, où la fantaisie se mêle à la saine doctrine. L’on peut dire de l’Enquête sur la Monarchie ce que Voltaire dit un jour à un auteur qui lui demandait son opinion sur un ouvrage qu’il venait de rédiger :

« Il y a dans votre livre du bon et du nouveau. Malheureusement, le nouveau n’est pas bon, et le bon n’est pas nouveau. »

 

 

b) Une conception de la Monarchie toute charitable…

 

 

Voici un couplet du chant de combat de la Ligue d’Action Française :

« Quand on pendra la Gueuse au réverbère, On illuminera dans la France entière,

Et pour les youpins

Ca s’ra cett’fois l’coup du lapin.

Quant aux francs-maçons, qu’on les fout’à l’eau :

Briand nagera comme un vieux maqu’reau,

On verra sur l’dos Daniélou flotter,

Et les Députés

S’en aller comm’ des chiens crevés. »[7]

On est loin de la phrase d’Henri IV disant aux Français :

« Ralliez-vous à mon panache blanc ; vous le trouverez toujours sur le chemin de l’honneur. »

II] Maurras, un « Maître » à ne pas suivre…

 

 

 

1) Sous l’égide d’Anatole France

 

 

Lorsque Maurras quitta Martigues, en décembre 1885, il se fixa à Paris, où il embrassa la carrière littéraire sous l’égide d’Anatole France, comme le rappelait Excelsior, le 24 avril 1923.

En 1894, il publia Le Chemin du Paradis, livre païen, et Anatole France lui envoya un poème :

« Au bord des eaux de lumière fleuries,

Sur l’antique chemin où le Vieillard des mers,

Entre les oliviers de la Vierge aux yeux pers,

Vit dans leur manteau bleu passer les trois Maries,

Tu naquis…

… les dieux indigètes, les dieux

Exilés et le Dieu qu’apporta Madeleine

T’aimaient : ils t’ont donné le roseau de Silène

Et l’orgue tant sacré des pins mélodieux,

Pour soutenir ta voix qui dit la beauté sainte,

L’Harmonie, et le chœur des Lois traçant l’enceinte

Des cités, et l’Amour et sa divine sœur,

La Mort qui l’égale en douceur. »

 

L’envoi de M. Anatole France était accompagné de ce billet :

« Voici, cher ami, l’épigramme dans la manière de Christodore de Coptos, qui mit des inscriptions aux statues de Zeuxippe. J’aurai voulu qu’elle fût plus digne de votre beau livre. »

Comme on le voit, on est entre païens. Quelle joie !

 

Maurras s’en gargarisait encore dans l’Action Française du 26 août 1934, vingt ans après sa première condamnation par Pie X, et huit ans après confirmation publique de cette condamnation par Pie XI. En effet, il imprimait :

« Le beau poème envoyé par M. France à Charles Maurras, pour Le Chemin du Paradis, que tout le monde peut réciter de mémoire. »

Vanité ! Sauf quelques esthètes constipés, tout le monde ignore ce poème.

A propos de l’envoi d’Anatole France, L’Action Française ajoute : « Tous les lecteurs de Chemin de Paradis se doivent de recopier ces quelques lignes sur une page de leur exemplaire ! »

Il n’y a vraiment pas de quoi se donner cette peine, sinon pour faire plaisir à Maurras, à Zeus, à Bacchus et à son père nourricier, bouffon de l’Olympe.

Donc, Anatole France, patron, ami, répondant de Maurras.

Or, nul n’ignore qu’Anatole France fut le Voltaire ou le Renan de notre époque, c’est-à-dire un des écrivains les plus dangereux parmi les adversaires de l’Eglise. Le R. P. Exupère, Capucin, royaliste déclaré, écrit dans La Revue Critique du Libéralisme :

«  Je ne crois pas que depuis Voltaire, la France ait eu un homme aussi funeste qu’Anatole France. Entre les deux, je serais porté à croire que c’est Anatole France qui l’emporte en impiété résolue et tranquille, en mépris de l’humanité, en haine spéciale de la France et de Jeanne d’Arc. »

 

Dans les Etudes du 5 novembre 1924, le R. P. Lhande, après avoir exposé la malfaisante influence d’Anatole France sur la jeunesse contemporaine, ajoutait, page 265 :

« L’homme qui accuse le plus étrangement cette emprise dissolvante, c’est M. Charles Maurras. C’est France qui a tué la foi en Maurras ; c’est son ironie, c’est son scepticisme qui, tombant sur les angoisses et les rancoeurs de cette âme froissée à vingt ans, l’ont définitivement peut-être, détournée de toute consolation supraterrestre et ne lui ont laissé, comme motifs d’agir quand même, que des arguments purement attachés au phénomène, à l’éphémère. »

Nul n’ignore également qu’Anatole France se maria civilement, le 11 octobre 1920, à la mairie de Saint-Cyr-sur-Loire ; que si l’on joua pas La Marche Nuptiale d’Hiram, pontife maçonnique, comme au mariage civil et laïque de Léon Daudet avec Mlle Jeanne-Victor Hugo, des délégations socialistes-révolutionnaires assistèrent au mariage d’Anatole France ; qu’au lendemain du Congrès révolutionnaire de Tours, il adhéra bruyamment au parti communiste, ainsi que l’ont publié les journaux du 24 janvier 1921, et que l’Humanité du 20 février 1922 lui adressa un « salut communiste » et rappela qu’ il admire Lénine et Trotsky. »

 

Néanmoins, l’Action Française quotidienne du 22 février 1922, osait encore, à la barbe de ses lecteurs catholiques et royalistes, défendre le « génie naturel » et la « nature profonde » de ce révolutionnaire écarlate ; le 31 décembre 1924, le comparer à Joseph de Maistre, à Bonald, à Louis Veuillot, Maurras ayant toujours eu la plus vive admiration pour Anatole France.

 

 

2) Les écrits païens de Maurras

 

 

Le Chemin du Paradis

Publié en 1894, c’est l’un des premiers ouvrages de Maurras. Ce livre est un recueil de contes licencieux.

Il fut réédité en 1921, avec une nouvelle préface, mais qui ne contient aucune rétractation. Bien plus, elle accuse à travers toutes sortes de feintes nouvelles, la persistance de l’intention irréligieuse.

Cet ouvrage, comme il est répété exactement à la préface de l’édition de 1927, chez Flammarion, page 17, ne doit pas être considéré comme une œuvre de jeunesse.

Les quelques suppressions et corrections faites, dit M. Maurras, l’ont été en s’inspirant « d’un souci majeur de ne pas trop déplaire aux gens raisonnables et aux gens de goût. Les catholiques en sont bien. Ce que j’ai voulu éviter, c’est de les offenser. Mon intention ne leur a jamais été adverse. »

 

En 1927, après les condamnations pontificales, Maurras s’exprime exactement dans les mêmes termes que l’on vient de lire ci-dessus.

La concession, bien médiocre, est de pure forme ; donc inexistante.

 

De même pour Anthinéa.

Le premier titre de ces impressions de voyages a failli s’appeler : Promenades Païennes.

Paru en librairie, en 1901, Anthinéa fut réédité plusieurs fois avant la guerre de 1914, sans aucune suppression.

L’Action Française du 5 novembre 1912 annonce la nouvelle édition d’Anthinéa avec des modifications ; puis, moins de quinze jours après, l’Action Française publie qu’Anthinéa « reparaît avec quelques modifications de langage qui n’en ont pas changé le fond. »

Anthinéa, même après les « modifications », contient toujours d’abominables impiétés et de répugnants blasphèmes. »

L’édition de 1923 comporte une Note expliquant uniquement pour des raisons de convenance personnelle, la suppression des quatre pages blasphématoires sur le « Nazaréen » et la « Nuit du Christianisme. »

 

Si dans le Chemin du Paradis et dans Anthinéa, Maurras a supprimé quelques passages offensants sur Jésus-Christ, c’est parce qu’il était menacé de voir publier, par le Pape Pie X, la condamnation qui a frappé ces livres dès l’année 1914.

Dans son livre L’Action Française et le Vatican, paru en 1927, après les condamnations pontificales rendues publiques, Maurras écrit qu’Anthinéa n’est pas fait pour les catholiques et qu’il leur adresse « avertissements » et « mises en garde », comme en 1912.

 

Ne pas rééditer ce livre eût été le meilleur avertissement, une mise en garde plus sincère…

 

De plus, « les thèses philosophiques d’Anthinéa forment le fondement de la Politique de M. Maurras », selon le témoignage de Jacques Bainville, dans l’Action Française du 15 octobre 1901.

 

Après la condamnation, Maurras a-t-il expurgé Anthinéa des passages païens ? – Non.

Donc la condamnation pontificale est justifiée.

Les journaux du 24 novembre 1927 annoncent, à titre de publicité payée par l’éditeur de Maurras, et d’accord avec ce dernier, une édition courante de Chemin de Paradis, « récits d’une pureté, d’une grâce – et d’une audace- proprement païennes. »

Cette réédition, publiée en ces termes, après la condamnation de ce livre par le Pape, est une double injure au Souverain Pontife.

 

Voici ce que l’on peut lire page 27 de la préface de Chemin de Paradis :

« D’intelligentes destinées ont fait que les peuples policés du Sud de l’Europe n’ont guère connu ces turbulentes Ecritures Orientales que tronquées, refondues, transposées par l’Eglise dans la merveille du Missel et de toute le Bréviaire. Ce fut un des honneurs philosophiques de l’Eglise, comme aussi d’avoir mis aux versets du Magnificat une musique qui en atténue le venin. »

Le dernier membre de phrase a été supprimé dans l’édition de 1929, huitième mille, et remplacé par un ensemble catholique qui passe après les images d’Athènes païenne.

 

Louis Dimier rapporte dans son livre : Vingt ans d’Action Française, pages 28-30, comment se forma l’Ecole néo-royaliste sous la direction de Maurras :

« Une partie de nos amis, les premiers arrivés, n’étaient pas seulement incroyants, mais impies. Ils étaient hostiles au nom chrétien : quelques-uns en avaient la haine. Ils n’y détestaient pas seulement un tissu de fables, ils en réprouvaient l’enseignement, la morale, etc.

[…]

J’eus quelques prises avec Maurras.

Avec votre religion, me dit-il un jour, il faut que l’on vous dise que, depuis dix-huit cents ans, vous avez étrangement sali le monde. »

L’on comprend que Louis Dimier, catholique pratiquant, ait fui l’Action Française ; ce que l’on comprend moins, c’est qu’il soit resté vingt ans dans un pareil milieu…

 

Voici pour finir quelques florilèges… :

 

Maurras écrit dans Trois Idées Politiques, page 60 :

« Il n’y a jamais qu’un seul homme, le Pape, qui puisse permettre, au nom de Dieu, des égarements de pensée et de conduite, et tout est combiné autour de lui pour l’en garder. »

Maurras, qui ne croit pas à l’Infaillibilité du Pape, n’en a pas moins le cynisme impavide de soutenir, on le sait, qu’il est un des plus ardents défenseurs de l’Eglise, du Catholicisme et du Pape…

 

Rendant compte du livre d’Hugues Rebell, l’Espionne Impériale, Maurras écrivait dans La Revue Encyclopédique Larousse, année 1898, page 1061 :

« Une belle et digne sentence exprime la pensée générale du livre de Rebell :

La conscience, répète l’Archevêque, mon Dieu ! Quand il n’est pas en toc, c’est un bijou qui se nettoie plus vite que les vêtements. Un honnête homme n’a pas à s’occuper de sa conscience, que Diable ! »

 

Henri Vaugeois écrit dans l’Action Française du 15 juillet 1900, page 143 :

« De ces vertus, comme de toute vertu d’ailleurs, vous savez qu’un vrai nationaliste doit éviter l’indécence d’en jamais parler, fût-ce pour les discuter. Nous ne sommes pas des gens moraux, que ce soit bien entendu, une fois pour toutes. »

 

On peut lire dans le Chemin de Paradis, édition de 1927 et nullement amendé dix ans après que Maurras déplore qu’ « un Christ hébreu soit venu au monde, racheter l’esclavage, et que l’absurde ait ainsi triomphé… »

 

 

3) Les écrivains recommandés à la jeunesse

 

 

Maurras écrit page 211 de L’Action Française et la religion catholique :

« Ces maîtres sont nombreux, ils se contredisent entre eux presque tous, excepté sur un point, et c’est le point sur lequel ils concordent avec le plan de la régénération nationale. C’est à ce point précieux, presque sacré, que s’adresse notre reconnaissance. Leur magistère est limité à ce même point : le Comte apologiste du Moyen Age, de la famille, de la société, le Renan critique de la Révolution, le Sainte-Beuve professeur d’analyse, et ainsi de tous. »

 

Maurras et l’Action Française ont constamment recommandé à la jeunesse les six plus grands ennemis de Dieu au XIXe siècle : Proudhon, Mérimée, Sainte-Beuve, Stendhal, Nietzsche et Anatole France.

 

Maurras a créé le cercle Proudhon d’Action Française en 1912 ; déjà, en janvier 1909, l’Action Française quotidienne avait fait déposer une couronne sur la tombe de Proudhon.

Or, Proudhon était franc-maçon. Il fut reçu franc-maçon le 8 juin 1847, par la loge Sincérité du Grand Orient de Besançon ; et tout le monde sait que Proudhon a écrit : « Dieu, c’est le mal », et : « La Propriété, c’est le vol. »

Tout le monde sait également que Proudhon a écrit dans Confession d’un Révolutionnaire :

« Je hais par-dessus tout un Dieu qui ne s’explique pas, et je m’en délivre en lui disant : Dieu, retire-toi ! Tu n’es que le bourreau de ma raison, le spectre de ma conscience ! »

 

L’Action Française, tome 4, page 914, a fait le plus vif éloge de Prosper Mérimée, franc-maçon fameux, athée, et a publié que Mérimée était un « aristocrate et réaliste détestant d’une haine égale la Révolution et l’Eglise. »

Or, voici la dédicace que le franc-maçon Mérimée a consacrée à son ami, le franc-maçon Beyle-Stendhal, que l’Action Française a également comblé d’éloges :

« A Henri Beyle

Par l’un des quarante

Eleutheropolis

L’an MDCCCLXIV de l’imposture du Nazaréen. »

 

Maurras a emprunté à Sainte-Beuve, qu’il appelle « notre Thomas d’Aquin », cet « empirisme organisateur » qui est le centre de son propre Système, et qui constitue « le Système religieux et moral, parfaitement laïc, strictement rationnel, pur de toute mysticité, auquel semble aspirer la France moderne. » (Trois Idées Politiques, année 1912, pages 41 et 42).

Maurras écrit, dans Trois Idées Politiques, page 43, au sujet de cette doctrine, « l’empirisme organisateur » :

« De tout ce qui est traditionnel ou vieille France, l’empirisme organisateur n’exclut à peu près rien, sinon peut-être les abus du sentiment chrétien »

Donc, la seule chose que Maurras repousse est quelque chose de chrétien.

 

Sainte-Beuve, en l’honneur duquel Maurras a créé à grands frais, avec l’argent de ses lecteurs catholiques et monarchistes une chaire dans laquelle il professe lui-même, à l’Institut d’Action Française, était athée et bonapartiste. Il était l’organisateur des banquets gras du Vendredi-Saint, où les convives mangeaient du saucisson à l’ail.

Dans Trois Idées politiques, pages 44 et 45, Maurras propose « une fête nationale de Sainte-Beuve », car « Sainte-Beuve ne fut jamais un sacristain » :

« Tout compte fait, une fête nationale de Sainte-Beuve ne semble pas une pure imagination.

On y saluerait l’espérance et le progrès véritable… et d’entre les ruines du vieux mysticisme anarchique et libéral, se relèveraient les couronnes, les festons, les autels et la statue intacte de cette déesse Raison, armée de la pique et du glaive, ceinte d’olivier clair, ancienne présidente de nos destinées nationales. »

 

L’Action Française a décerné mille éloges à Stendhal, et, le 11 août 1908, l’a choisi pour modèle.

La Revue Critique des Idées et des Livres, fondée par l’Action Française, dirigée et redirigée par les principaux écrivains néo-royalistes, créa, en 1913, un prix Stendhal à décerner chaque année au meilleur roman psychologique, à la meilleure Nouvelle du même caractère ; et, dans l’Action Française quotidienne du 16 mars 1913, sous le pseudonyme de Criton, Maurras approuva chaudement la création du prix Stendhal.

Dans un article intitulé La Glorification de Stendhal, le journal l’Action Française quotidien du 30 juin 1920, a couvert d’éloges cet écrivain, à propos du Monument qui lui fut élevé ; et Paul Bourget, de l’Académie Française, qui versa dans le néo-royalisme, s’associa publiquement à la campagne de l’Action Française en faveur de Stendhal par le discours qu’il prononça, le 28 juin 1920, pour l’inauguration du Monument de ce franc-maçon, irréligieux, amoral et ennemi implacable de la Monarchie.

 

Le 15 octobre 1912, l’Action Française quotidienne fit un éloge pompeux de Renan, un des plus dangereux adversaires de l’Eglise et de la Monarchie, et que cet éloge était la suite de précédents portraits flatteurs de l’auteur de La Vie de Jésus, ouvrage mis à l’Index.

Ajoutons encore que l’Action Française du 1er janvier 1919 fit l’éloge de Paul Margueritte, l’apôtre de l’union libre.

 

L’on comprend que le R. P. Descoqs ait publié ces critiques dans Les Etudes du 20 décembre 1909 :

« Au lieu d’aller chercher leurs inspirations dans la philosophie contradictoire, et en définitive nihiliste de Renan, dans la critique trop souvent dilettante et impie de Sainte-Beuve, au lieu de combler d’éloges et par là même d’encourager la lecture de littérateurs notoirement naturalistes et athées comme Mérimée, comme Stendhal-Beyle, pourquoi les chefs de l’Action Française ne s’en tiennent-ils pas à ces excellents maîtres, Bonald, Maistre, Veuillot et tant d’autres, dont ils invoquent aussi le patronage ? »

 

 

Quant à Nietzsche, rappelons quelques citations de cet écrivain :

Nietzsche a écrit dans l’Antéchrist, pages 262 et 264 :

« Le Dieu du christianisme, cet édifice hybride de décombres né de zéro, d’une idée et d’une contradiction, où tous les instincts de la décadence, toutes les lâchetés et toutes les fatigues de l’âme trouvent leur sanction. »

Page 344 :

« Le christianisme fut, jusqu’à présent, le plus grand malheur de l’humanité.

L’Eglise a mené la guerre à mort contre tout ce qui est noble sur terre. »

 

Dans Zarathoustra, page 272 :

« J’appelle le christianisme l’unique, la grande calamité, l’unique grande perversion, grand instinct de haine, l’unique et immortelle flétrissure de l’humanité. »

 

Dans Le Crépuscule des Idoles, page 156 :

« Je suis arrivé à la conclusion qu’il n’y a pas du tout de faits moraux ; le jugement moral a cela de commun avec le jugement religieux, de croire à des réalités qui n’en sont pas.

La morale est une interprétation. »

 

Et maintenant, quelques citations venant d’écrivains d’Action Française :

 

De Jacques Bainville, dans l’Action Française du 1er janvier 1902, page 91 :

« Les idées de Nietzsche semblent se répandre. Il faut attendre du bien de leur diffusion. »

 

Dans l’Action Française, tome 1, page 484, Pierre Lasserre écrit qu’il faut mener avec Nietzsche « la lutte de la beauté contre la morale. »

 

De Georges Valois, rédacteur à l’Action Française quotidienne, dans la préface de son livre, L’Homme qui vient, chaudement recommandé par l’Action Française des 15 octobre, 24 décembre 1909 et 18 juin 1910, par Maurras en personne :

« Je dois à Nietzsche ma libération. »

 

 

4) Maurras, un métèque

 

 

Si prompt à dénoncer les « métèques », Charles Maurras fait pourtant parti de cette catégorie là.

 

Charles-Marie-Photius est né en Provence, à Martigues, le 20 avril 1868, de Jean-Joseph Maurras, et de Marie-Anastasie Barnier.

Par ses origines, il est métèque : ascendances grecques et arabes.

Maurras, en effet, signifie : Gros Maure.

Au cours d’une polémique entre l’Action Française et La Vieille France, revue hebdomadaire dirigée par Urbain Gohier[8], Maurras discuta l’état-civil de son confrère, dans l’Action Française du 7 février 1923 et publia qu’il « devait » être juif.

M. Urbain Gohier produisit son état-civil jusqu’à la quatrième génération, et prouva qu’il n’avait aucune ascendance juive ; puis, dans La Vieille France du 22 février 1923, il demanda à son adversaire de publier, à son tour, son état-civil.

Maurras n’en fit rien…

Urbain Gohier reçut au sujet du nom : Maurras, la consultation d’un arabisant et inséra cette consultation dans La Vieille France du 29 mars 1923 :

« Une fois de plus, la théorie de Balzac sur le sens profond, l’influence et la prédestination des noms, est vérifiée.

Le nom de Maurras sent le Maure et le sauvage.

Le littoral de la Provence a été colonisé depuis six mille ans par des phéniciens, des grecs, des juifs ; tous les rôdeurs et les naufrageurs de la Méditerranée y ont fait leur habitat ; les Sarrasins, des incursions fréquentes et un séjour continu d’un demi-siècle.

Il en résulte, parmi les autochtones, la population de métis et de métèques la plus bariolée du monde ; et le patois local conserve, naturellement, des débris de toutes les langues méditerranéennes, en particulier l’arabe.

Maurras est simplement le mot arabe : ma’aras, injure ignoble que s’adressent, du matin au soir, les pirates sarrasins et que s’adressent encore les mokos, les voyous des bas quartiers dans les villes d’Orient.

Vous n’avez qu’à lire dans Les Mille et une Nuits ces expressions : « C’est un ma’aras !... Va donc, ma’aras ! »

En Provence, on prononce : maurras. »[9]

 

 

5) Maurras, un païen

 

 

Nous savons tous que Maurras est païen.

Il ne le nie pas, au contraire.

En effet, il a publié, dans l’Action Française du 14 avril 1928, qu’il n’a « pas la foi catholique. »

A la page 8 de son livre, La Raison d’Etat, M. de Montesquiou parle de son ami Maurras et écrit familièrement : « un païen comme Maurras. »

Ayant offert un de ses livres à Ernest Judet, directeur de l’Eclair, Maurras traça cette dédicace : « Hommage d’un païen. »

Ce païen regrette « le beau génie polythéiste », comme il est dit dans la Revue Critique du 25 septembre 1908, page 421 ; se désole de « la fâcheuse scission, intervenue à l’Ere Chrétienne, entre l’ordre religieux et l’ordre civil », ainsi que Maurras le déclare dans Trois Idées Politiques, page 60, et s’afflige que « le souffle de l’Orient », c’est-à-dire le Christianisme, ait « altéré la grande âme antique » ; il l’imprime dans le même livre, publié en 1898, Trois Idées Politiques, page 53.

 

Le paganisme de Maurras est une des raisons pour lesquelles l’Ecole néo-royaliste donne le premier rang à la politique et relègue la Religion à l’arrière-plan.

« Politique d’abord », ou « Par tous les moyens », maximes de Charles Maurras, n’étaient pas celles du Christ qui a dit :

« Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice ; le reste vous viendra par surcroît. »

 

Maurras écrit, page 192 de son ouvrage : Le Chemin de Paradis, édition de 1927 :

« A la vérité, la nature angoisse, elle aussi. Oh ! Cela n’est point de vieillesse. Mais son beau sein est encombré. Jadis, Criton, nos mariages étaient réglés par tes souhaits qui te dessinaient un monde élégant comme ton esprit. Jamais les serviteurs ne poussaient la fécondité au-delà des vœux de l’Etat. Chaque pays portait le nombre d’habitants qu’il pouvait nourrir, vêtir et honorer. Cette modération a bien cessé d’être en usage ! »

Ainsi, Maurras regrette l’avortement et l’infanticide, admis dans la Grèce païenne.

 

Maurras, qui flétrit la fécondité, au moment même où la natalité française était très inférieure à celle d’Italie, d’Angleterre et d’Allemagne, reprocha plusieurs fois à Gustave Hervé, alors antireligieux, d’avoir conseillé le malthusianisme, et dans l’Action Française du 27 juin 1916, il le traita de « pourceau de lettres ».

Maurras veut-il être qualifié de même ?...

 

Robert Havard, qui ajoute à son nom honorable : Havard, ces noms ridicules : de la Montagne, alors qu’il n’est pas du tout Havard de la Montagne, il est Havard tout court, - Robert Havard, accoucha non pas d’une souris, comme la montagne dont parle le fabuliste, mais d’un long article dans l’Action Française quotidienne du 26 mai 1921, en l’honneur des pornographies de Charles Maurras, notamment de Chemin de Paradis.

Jamais le père de Robert Havard, Oscar Havard, rédacteur au Soleil, n’aurait consenti à couvrir d’éloges les saloperies littéraires de Maurras, ni d’ailleurs les saloperies littéraires d’aucun écrivain.

 

Comme l’écrit l’abbé Gaudeau :

« Parmi les catholiques qui souhaitent la conversion de Maurras, un trop grand nombre, peu habitués à réfléchir, s’imaginent que Maurras est un penseur admirable et achevé, un philosophe supérieur et parfait dans l’ordre rationnel et naturel et à qui il ne manque que d’être complété. Par la foi chrétienne.

Et ils ajoutent volontiers :

Que voulez-vous ? La foi, c’est un don, une grâce, il ne l’a pas.

On ne saurait imaginer une erreur plus contraire aux faits et plus pernicieuse que celle qui est contenue dans ce raisonnement. Ce qui manque tout d’abord et principalement à Maurras, ce n’est pas la foi, c’est cette raison supérieure qui, croyant en elle-même, constate, affirme et impose des principes. Les torts de Maurras ne doivent point être relevés seulement, comme il le dit avec une habile équivoque, du point de vu de la foi catholique, mais d’abord et surtout du point de vue de la philosophie et de la raison.

Maurras n’est point un penseur achevé à qui il ne manquerait que la foi.

La mentalité humaine normale est en lui monstrueusement déformée par le relativisme sceptique, qui lui a fait abjurer, dans l’ordre de la pensée, jusqu’aux données les plus élémentaires du bon sens. »

 

 

6) Maurras, Romain ?

 

 

L’abbé Fabien Chalenave écrit dans sa brochure : L’Action Française :

« Il faut signaler la scandaleuse équivoque qui a permis à Maurras de se faire passer pour un défenseur ardent de l’Eglise, un apologiste du dehors.

Au cours de sa préface du Dilemme de Marc Sangnier, Maurras dédie un hymne enthousiaste à l’Eglise catholique qu’il qualifie d’Eglise de l’ordre.

Cette page est reproduite sans cesse par les catholiques mieux intentionnés qu’avertis, qui la citent comme un témoignage d’orthodoxie, sans s’apercevoir que Maurras n’exalte l’ordre, la discipline, la hiérarchie de l’Eglise que pour mieux la vider de son dogme et de sa morale. C’est le cadre intentionnellement vanté aux dépens du tableau, le tableau qui est, dans l’Eglise, la divine image du Christ, lacérée par Maurras.

Romain, je suis Romain, s’écrie-t-il dans ce passage.

Et les croyants, naïfs, de s’extasier :

Voyez, disent-ils, comme Maurras a le sens catholique ! Aucun écrivain ne fut plus fermement papiste et ultramontain.

Héla ! Comme le fait remarquer un critique religieux, pourtant bienveillant :

Qu’on oublie pas que, dans la pensée de Maurras, le mot « romain » ne se confond pas avec celui de « catholique » ; il signifie bien quelque attache avec l’Eglise de Rome, mais ce sera avec l’Eglise héritière de l’intelligence et de l’harmonie antiques, surtout, semble-t-il, avec le gouvernement qui constitue, à travers le lointain prestigieux des âges, la tradition autoritaire des Césars. »

Maurras est romain, non parce qu’il est catholique, mais parce qu’il est païen. Le mot « romain » est employé par Maurras à double sens. Il en joue comme d’un calembour.

Dans cette préface du Dilemme de Marc Sangnier, Maurras parle du divin Jules ; mais on y chercherait en vain le nom du divin Jésus.

Jésus, ce nom ne vient guère sous la plume de Maurras qu’accompagné de blasphèmes savants et raffinés dont la portée échappe au plus grand nombre ; Maurras a réalisé ce tour de force de consacrer un livre entier de 425 pages à la Politique Religieuse en n’écrivant le nom de Jésus qu’une seule fois. Les seules affusions religieuses de Maurras se trouvent dans l’Invocation à Minerve qui clôt son livre, l’Avenir de l’Intelligence.

Ce froid pastiche de la Prière sur l’Acropole, de Renan, n’en diffère que par son paganisme plus accentué :

« L’Eglise a mis ton nom, Minerva, sur plus d’un autel ; en Italie, en Thrace, tu triomphes près de la croix. »

C’est bien là, en effet, le langage d’un païen.

III] Quelques mots sur Léon Daudet, Jacques Bainville, et l’Institut d’Action Française

 

 

 

1) Léon Daudet, une origine juive

 

 

Léon Daudet est né à Paris le 16 novembre 1867, fils d’Alphonse Daudet, auteur de Tartarin, Sapho, Les Rois en Exil, Le Petit Chose, etc.

Comme Maurras, Daudet est provençal. Nîmes est le berceau de sa famille.

Comme M. Maurras, M. Daudet a, dans les veines, du sang juif, ce qui n’est pas surprenant, car, dit Michelet, « les Juifs pullulaient à Carcassonne, à Montpellier et à Nîmes. »

Daudet se nomme, de son vrai nom : Davidet, d’origine juive.

En langue provençale, Daud veut dire David, et la terminaison et, est le signe du diminutif.

Daudet est la traduction de Davidet : Petit David.

Davidet a été changé en Daudet par un ascendant de Léon Daudet.

Bien qu’ayant reçu le baptême catholique, Léon Daudet est circoncis depuis l’âge de 17 ans. Le fait a été constaté, paraît-il, lorsqu’il passa le conseil de révision. S’il n’a pas subi plus tôt l’opération qui consiste à exciser le prépuce en totalité ou en partie, c’est parce qu’il souffrait d’une affection que les chirurgiens nomment acroposthite.

Urbain Gohier ayant publié que Léon Daudet est d’origine juive, Le Patriote de Montréal lui fit écho, et l’Action Française du 21 juin 1935 traita Urbain Gohier de « chien ».

 

Lorsque Alphonse Daudet publia Tartarin, qui lui aliéna tant de méridionaux, ceux-ci, se souvenant de l’origine juive des Daudet, ne les appelaient plus que Davidet.

 

Léon Daudet est l’auteur de Médée, de Suzanne, des Bacchantes, de l’Astre Noir, de l’Entremetteuse, de vingt autres recueils d’obscénités et de littérature ordurière.

Le fils de Léon Daudet, Charles, né de son mariage avec Mlle Jeanne-Victor Hugo, a une tête juive comme son père.

 

Léon Daudet prétend qu’il n’est pas d’origine sémitique et que Daudet signifie Dieu-donné et non Davidet.

Nous n’en croyons rien. Léon Daudet a une tête de juif parce qu’il est d’origine juive : c’est naturel. Son père Alphonse avait le type juif, comme le dit Le Patriote de Montréal du 8 août 1935 ; il en est de même chez son fils Léon.

 

Il  le type tellement accusé, que, le 24 février 1912, vers onze heures du matin, lorsqu’il se battit en duel avec Pierre Mortier, alors directeur du Gil-Blas, un des spectateurs ne sachant pas que Pierre Mortier était israélite, s’avança vers lui, un instant avant de croiser le fer, et lui dit, en désignant Léon Daudet :

« J’espère bien que vous allez f… un bon coup d’épée à cette sale gueule de juif ! »

 

Jusque vers l’année 1900, Léon Daudet fut philosémite, dreyfusard acharné, comme Emile Zola.

En 1901, il se met à collaborer à la Libre Parole, journal antisémite. L’Action Française, dont il fut après co-directeur, a couramment traité Zola de « Grand Fécal ».

Or Zola était l’ami intime d’Alphonse Daudet, père de Léon, et Zola reçut maintes fois Léon Daudet à son foyer et à sa table.

Léon Daudet traite Emile Zola de « cacographe », dans l’Action Française du 5 novembre 1928. Ailleurs, il appelle Zola, « égoutier » et, « immonde », puis, « immoral ».

Ce qui ne manque pas de piquant, c’est que Léon Daudet, qui qualifia Zola d’ « égoutier », d’ « immonde », auquel il attribue toutes les immoralités, est, lui-même, l’auteur de nombreux romans immoraux, pornographiques et incestueux, notamment Suzanne et l’Entremetteuse.

 

Nous avons vu Léon Daudet philosémite et dreyfusard, en 1899, antisémite et antidreyfusard, en 1901. En 1908, fondateur de l’Action Française quotidienne, il brandissait le discours que le Duc d’Orléans prononça, à San Remo, le 22 février 1899 contre les juifs.

Eh bien, le 17 novembre 1928, Léon Daudet insérait dans son journal :

« En ce qui concerne l’antisémitisme, il y a belle lurette que je m’en suis détaché de toutes manières – j’ai eu comme ami très intime un Juif authentique, Marcel Schwob – et que le développement de mon être intérieur m’a plutôt porté à essayer de comprendre Israël et la raison de ses coutumes et de sa persistance, qu’à le maudire.

Je ris quand j’apprends que des personnes me croient encore dans le même état moral vis-à-vis des fils de Sem qu’il y a trente ou vingt-cinq ans. J’ai toujours admiré, et même chéri, les vers de ce très mauvais bougre d’Henri Heine. Je crois avoir été l’un des tout premiers à célébrer le Chad Gadya d’Israël Zangwill.

Dans toute cette affaire de la décomposition et de l’enjuivement de l’Etat français, c’est la démocratie qui est coupable, et non le Juif. »

 

Le 17 mai 1936, Léon Daudet déclare encore dans son article quotidien :

« L’accession de Léon Blum à la présidence du Conseil pose la question juive. Je déplorerais pour ma part, ce réveil d’une passion ethnique que, de longue date, je ne partage plus, ayant horreur de toutes les persécutions.

La race juive m’intéresse par ses caractéristiques, comme la race germanique ou la race noire… »

Or, dans le même journal, son acolyte, Maurras, a fulminé le veille et l’avant-veille, 14 et 15 mai, contre les Juifs, menacé d’un « couteau de cuisine », une fois encore, et informé qu’il est poursuivi à la requête du Parquet pour provocations au meurtre de Léon Blum, notamment pour ces lignes :

« C’est en tant que juif qu’il faut voir, concevoir, entendre, combattre et abattre le Blum… le jour où sa politique nous aura amené la guerre impie qu’il rêve contre nos compagnons d’armes italiens. »

Les 8 et 9 juin 1936, Léon Daudet éreintait Blum, considéré du point de vue juif, et Maurras lui faisait écho, amorçant et développant une campagne antijuive.

 

Que de palinodies de la part de Daudet !

 

 

 

 

 

2) Jacques Bainville[10]

 

 

M. Bainville a cru, sur la foi d’un public léger, être un historien, à la sortie de la Faculté de Droit. Il ne s’est pas douté qu’il fallait pour cela toute une préparation antérieure, très technique, très sévère. Un esprit qui n’est qu’artiste ne fera pas vraiment de l’histoire, s’il n’a pas, au moins, un peu plus que des notions, sur le métier de fouilleur d’archives.

Prenons un exemple de la bêtise de Bainville.

Dans son Histoire de France, les Francs sont des populations « Rhénanes », jamais « germaniques ». Pourquoi ? C’est que s’ils avaient été reconnus « Germains » (ce qu’ils sont réellement), jamais M. Bainville n’aurait pu pêcher, dans l’obscurité de son expérience, les perles que voici :

« Clovis de son côté avait certainement réfléchi et mûri ses desseins. Il était renseigné sur l’état moral de la Gaule. Il avait compris la situation… Ce barbare savait tout… Il recommença la conversion de l’empereur Constantin sur le champ de bataille. Seulement, lorsqu’à Tolbiac (496), il fit vœu de recevoir le baptême, s’il était vainqueur, l’ennemi était l’Allemand ! »

 

Non, l’ennemi c’était des « Alamans », c’est-à-dire une confédération de tribus germaniques comme l’étaient les Francs eux-mêmes. Premiers arrivés dans le pays convoité, la Gaule, les Francs se sont retournés vers de nouveaux arrivants, réclamant leur part de butin, d’où conflits de tribus barbares s’exterminant pour la possession de terrains de chasse.

Continuons la citation de M. Bainville :

« Non seulement Clovis était devenu chrétien, mais il avait mis en fuite l’envahisseur éternel, il avait chassé au-delà du Rhin l’ennemi héréditaire. »

Déjà !!! A la fin du Ve siècle, les « Allemands » sont devenus des « ennemis héréditaires » pour les Français ! Quand il n’existe encore ni Allemands, ni Français, qu’il n’y a que des hordes de barbares se disputant une région plus fertile et ensoleillée !

 

 

La politique extérieure de Jacques Bainville, qui est également celle de l’Action Française, se résume à déplorer que l’Allemagne n’ait pas été découpée en 350 Etats par les Traités de Paix de 1919-1920, comme par les Traités de Westphalie, au XVIIe siècle, et à préconiser cette solution pour assurer la paix de l’Europe.

Bainville et l’Action Française ont oublié simplement :

Que pour arriver à ce résultat, au XVIIe siècle, il fallut faire la guerre de Trente Ans.

Que les temps ont changé.

Que tous les peuples de même race et de même langue tendent vers l’unité.

Que si, en 1871, l’Allemagne avait découpé la France vaincue en 350 Etats, provinces ou départements souverains, nous aurions, non sans raison, poussé des cris à attendrir les rochers.

Que l’Angleterre n’aurait pas toléré, à la paix de 1919-1920, un abaissement de l’Allemagne si contraire à l’équilibre européen.

Que 65 millions d’Allemands n’eussent jamais accepté, de nos jours, ce que 5 millions de Prussiens ont accepté au XVIIe siècle.

Qu’ils se seraient réunis rapidement à nouveau

Que pour les en empêcher, il aurait fallu occuper militairement toute l’Allemagne, ce qui est matériellement impossible, ou recommencer la guerre de Trente Ans, comme au XVIIe siècle.

L’Allemagne en tronçons pouvait se concevoir, il y a trois cents ans : l’industrie était peu connue, et l’agriculture, seule, alimentait les peuples.

Or, aujourd’hui que l’Allemagne vit principalement de son industrie dont elle exporte les objets manufacturés, très peu de son agriculture, sa division en 350 Etats serait la condamner à mourir de faim, car il n’y a pas d’exportation possible dans le morcellement et les barrières douanières qu’il établit.

Aucun peuple ne consentira à mourir d’inanition.

Pour y échapper, il fera la guerre à outrance.

Donc, la politique extérieure de feu Jacques Bainville, c’est la guerre en permanence.

C’est cette politique de Bainville que l’Action Française a appelée dix fois, cent fois, mille fois, une Politique de Génie, une Politique de Paix !

En vérité, les épileptiques, les déments, les dégénérés de toute espèce sont moins stupides !

 

 

Rappelons également que Jacques Bainville a écrit en 1935 une Histoire de la Troisième République, sans un seul mot de la question juive !

 

 

Si l’on veut un aperçu, entre mille, de la façon dont la liberté est comprise à l’Ecole néo-royaliste et de ce que serait la Monarchie de Maurras, voici un exemple très édificateur… :

 

En février 1901, une grève éclata à Montceau-les-Mines. A l’occasion de cette grève se place l’origine des « Jaunes », c’est-à-dire des ouvriers que les « Rouges » entendaient et entendent encore empêcher de travailler quand il eux a plu, à eux, « Rouges », de se mettre en grève.

La Petite République, dont le directeur était, à cette époque, M. Gérault-Richard, et le Leader, Jean Jaurès, ouvrit une souscription pour les grévistes, c’est-à-dire pour les « Rouges », pour ceux qui représentent la tyrannie socialiste.

 

En même temps, le journal La Liberté ouvrit une souscription pour les « Jaunes », c’est-à-dire pour les ouvriers représentant la liberté du travail.

Parmi les souscripteurs en faveur des « Jaunes », nous relevons, dans La Liberté, les noms d’une foule d’industriels, de châtelains, de catholiques, de royaliste, ainsi que le faisait remarquer La Petite République.

Parmi les souscripteurs en faveur des « Rouges », nous relevons, dans La Petite République du dimanche 10 mars 1901, vingtième liste, la souscription de Jacques Bainville, avec cette mention significative :

« Contre la liberté du travail, Jacques Bainville, rédacteur à l’Action Française… 5 francs. »

Bainville voisine du reste sur cette liste avec des souscripteurs qui se réclament de ces mentions charmantes :

« Mon seul espoir, c’est la révolution !

Les Droits de l’Homme !

Loge maçonnique « La France Républicaine » !

Pour pendre les curés et les bonnes sœurs !

A bas l’Armée !

Mort aux Jésuites !

Etc. »

 

 

3) L’Institut d’Action Française

 

 

Lucien Thomas écrit page 58 :

« Ce qu’il faut retenir, c’est la confusion sciemment introduite entre les opinions privées de Maurras en matière de religion, etc.… et la doctrine politique de l’Action Française prise en bloc. »

 

Or, examinons par exemple L’Institut d’Action Française.

L’Institut d’Action Française comprenait un Conseil Directeur : Maurras, Henri Vaugeois, athées, et Léon de Montesquiou, agnostique.

Cinq chaires : chaire Sainte-Beuve (athée) ; chaire Auguste Comte (positiviste) ; chaire Fustel de Coulanges (athée) ; chaire général Mercier (républicain) ; chaire du Syllabus.[11]

Cette dernière, occupée par l’abbé Appert, curé d’Aigny, fut créée pour donner le change aux catholiques…

Une chaire Amouretti fut également créée.

Cinq chaires occupées par des athées : Charles Maurras, Pierre Lasserre, Jacques Bainville, Lucien Moreau et Maurice Pujo.

Aucun doute possible : l’Institut d’Action Française est une œuvre d’enseignement.

Le 6 juin 1924, Charles Maurras l’affirmait encore dans son journal :

« L’Institut d’Action Française est plus qu’un arsenal d’idées politiques ; il doit être considéré comme un des principaux agents de restauration et de progrès de la pensée philosophique, esthétique, historique, économique, sur tous les points où elle a été corrompue et obscurcie par la fausse science… »

Ainsi, l’Action Française enseigne. Dès lors, elle ne saurait échapper à la juridiction de l’Eglise, arbitre suprême de tout enseignement.

Donc, le Pape avait le droit d’intervenir et de condamner ; et toutes les arguties de Maurras pour justifier sa révolte, comme on le verra plus loin, tombent d’elles-mêmes, d’ores et déjà.

 

 

 

IV] La condamnation de l’Action Française

 

 

 

Après tout ce que nous venons de voir sur les écrits et l’enseignement de Maurras, il était normal que le Vatican ne soit pas insensible aux alertes que leur faisaient parvenir de nombreux ecclésiastiques.

Mgr Andreucci, à qui ses fonctions donnaient un contact hebdomadaire avec Pie X, avait fait lire au Pape la brochure de l’abbé Pierre. Il raconte avoir entendu Pie X déclarer à l’époque où Maurras multipliait les instances pour obtenir une audience : « Je ne recevrai pas cet homme après ce qu’il a dit de Notre-Seigneur. »

En rapportant ces mots à Mme Henri Boissard d’Aix-en-Provence, Mgr Andreucci ajoutait que Maurras avait pleuré de dépit devant le refus de Pie X.

 

 

 

1) La condamnation de 1914, par le Pape Pie X

 

 

Maurras publia une lettre au Pape Pie X, que l’Action Française publia le 28 novembre 1913.

Maurras se plaint au Pape d’avoir été calomnié. Néanmoins, il écrit à Pie X :

« On peut extraire de mes livres d’autrefois les paroles exprimant des pensées ou des sentiments inacceptables pour l’Eglise et qui lui sont même en horreur. Quand j’ai réédité plusieurs de ces écrits, j’en ai bien retranché ce qui pouvait être entendu ou interprété comme expression d’un acte intentionnel et volontaire d’offenser cette Eglise que j’avais saluée comme la plus antique, la plus vénérable ou la plus féconde des choses visibles et comme la plus noble et la plus sainte idée de l’univers ; ainsi se montra le sentiment que m’inspire l’Eglise de l’Ordre. Mais nulle marque d’un respect, qui va croissant avec mes réflexions et le nombre de mes années, ne peut équivaloir aux marques de l’orthodoxie ni aux symboles de la foi, et je vois avec une clarté indubitable combien certaines de mes pages qui subsistent, peuvent et doivent choquer les âmes fidèles.

Bien que je n’aie surpris la confiance de personne et que j’aie même été le premier à faire avertir les catholiques de la réprobation spontanée que ces pages leur inspireraient forcément, ce n’est pas de gaieté de cœurs que j’ai jamais considéré, toutes les fois qu’elle s’est produite, cette séparation morale d’avec quelques-uns de mes amis les plus chers et plus admirés… »

 

Quels aveux ! Maurras reconnaît :

Que ses écrits « expriment des sentiments inacceptables pour l’Eglise et qui lui sont en horreur » ;

Qu’ils « peuvent et doivent choquer les âmes fidèles. »

Qu’ils « inspirent forcément de la réprobation aux catholiques. »

Il est donc tout à fait normal que le Pape ait mis à l’Index les écrits de Maurras.

Or, il ne cesse de se plaindre d’avoir été réprouvé et d’affirmer que cette réprobation est injuste. Il ne saurait donner le change à aucun esprit de bonne foi.

 

Cette lettre si habile de Maurras à Pie X ne modifia pas les sentiments du Vicaire du Christ. Le 29 janvier 1914, Pie X mis à l’Index les livres de Maurras : Le Chemin de Paradis ; Anthinéa ; Les Amants de Venise ; Trois Idées Politiques ; L’Avenir de l’Intelligence, et la revue bi-mensuelle L’Action Française.

Toutefois, Pie X, tenant compte des influences qui s’étaient manifestées en faveur de l’écrivain, ne publia pas le Décret condamnant et ses œuvres et la revue L’Action Française.

Le Pape repoussa dans un tiroir de son secrétaire le décret de condamnation des livres blasphématoires, disant : « Damnabiles sed non damnandos ». « Ils sont condamnables, mais il ne faut pas les condamner. » Ils sont condamnables en eux-mêmes, parce que les blasphèmes de Maurras injurient Jésus-Christ, outragent sa Sainte Face. Cependant, il ne faut pas les condamner à l'heure présente.

 

Pie X décida que ce Décret ne serait publié que « s’il se présente une occasion de la faire », c’est-à-dire si Maurras ne s’amende pas.

Le Pape Pie X ne condamna pas l’Action Française quotidienne, plus politique que la revue bi-mensuelle L’Action Française et que les livres de Maurras (et pourtant presque aussi nocive).

En faisant cette discrimination si bienveillante, Pie X a bien précisé que sa condamnation n’était prononcée que pour des motifs d’ordre uniquement religieux.

 

Pie X mourut le 20 août 1914. Son successeur, le Pape Benoît XV, ne promulgua pas, en raison de la guerre de 1914, le Décret de son prédécesseur. La guerre vint à point pour faire ajourner à nouveau la publication de cette condamnation.

Les livres de Maurras et l’Action Française bi-mensuelle n’en ont pas moins été condamnés, en janvier 1914, par Pie X.

Le public l’ignorait ; cela ne change rien au fait de la condamnation.

 

 

2) Maurras, maître de la jeunesse catholique

 

 

En 1925, une revue religieuse belge, Les Cahiers de la Jeunesse catholique, qui paraît à Louvain, ouvrit une Enquête chez ses abonnés, sur cette question :

« Parmi les écrivains des vingt-cinq dernières années, quels sont ceux que vous considérez comme vos maîtres. »

Le 5 mai 1925, les résultats étaient publiés.

Charles Maurras arrivait en tête avec 174 voix sur 460 suffrages.

Le cardinal Mercier, Primat de Belgique, n’arrivait que le sixième !

Ainsi, le cardinal Mercier passait après Maurras !

Maurras, païen, classé premier ; le cardinal Mercier, catholique, relégué au sixième rang !

Le maître de la jeunesse catholique était Maurras et non le cardinal Mercier !

 

Comme l’écrit Louis-Hubert Rémy :

« Maurras a été élevé dans la Foi catholique, fut catholique, apostasia et vécut toute sa vie dans l’apostasie. Comment préférer un tel « Maître » à de vrais maîtres chrétiens ? Comment conseiller à des jeunes de suivre une personne qui n’a pas la Foi ?

Maurras a les apparences de la vérité, mais pour un catholique, il a tout faux. Agnostique, il reste naturaliste : il lui manque l’action principale, l’action décisive, en fait la seule grande action : la prière. Agnostique, il élimine, car il ne la comprend pas, la volonté de Dieu : régner sur la France et par la France sur le monde. Pire, il refusera cette volonté, il s’en moquera (la théocratie) il combattra ses partisans, il cherchera à occulter les écrits des vrais Maîtres, il y parviendra avec les ennemis du nom de chrétien pendant plus de cent ans (les Maurrassiens sont combattus, mais l’école antilibérale est haïe).

Il est étonnant d’observer combien certains Maurrassiens ont une haine, le mot n’est pas trop fort, de la théocratie.

Interrogez un Maurrassien : Honnêtement, quels livres de Maurras avez vous lus ? Vous serez surpris de découvrir qu’ils n’en ont pratiquement lu aucun. Le Maurrassien est en général un homme qui cause, qui vit dans des cercles fermés prétentieux et incultes, qui lit des articles de journaux et qui est très superficiel. C’est avant tout un milieu de BLM, bourgeois, libéraux, mondains, nostalgiques et paresseux. Pour eux la politique prime, la religion et la Foi sont secondaires, au service de leurs chimères politiques. »

 

 

Le résultat de cette Enquête en Belgique fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase, l’occasion qui se présentait de publier le Décret Pontifical du 29 janvier 1914, condamnant Maurras en Cour de Rome.

Une tempête de protestations se déchaîna, en effet, dans toute la Belgique.

 

Naturellement, Charles Maurras n’en dit pas un mot dans son livre : L’Action Française et le Vatican, cet évangile des néo-royalistes, qui croient sincèrement que Maurras et l’Action Française ont été condamnés par le Pape, à la requête de Briand et de l’Allemagne…

 

Cette dissimulation prouve la duplicité de Maurras, et, par là même, combien est fondée la condamnation dont il est l’objet par le Souverain Pontife !

 

 

3) La condamnation de 1926 : les péripéties

 

 

Voici des extraits de la lettre du cardinal Andrieu[12], du 27 août 1926 :

« Si les dirigeants de l’Action Française ne s’occupaient que politique pure, s’ils se contentaient de rechercher la forme de pouvoir la mieux adaptée au tempérament de leur pays, je vous dirais tout de suite : « Vous êtes libres de suivre l’enseignement que donnent, de vive vois ou par écrit, les maîtres de l’Action Française. L’Eglise, interprète des volontés divines, permet à ses fils d’avoir des préférences au sujet de la forme du gouvernement.

Il suffit, pour s’en convaincre, de lire ce passage de l’Encyclique de Léon XIII, sur le Ralliement :

Dans cet ordre d’idées, les catholiques, comme tout citoyen, ont pleine liberté de préférer une forme de gouvernement à l’autre, précisément en vertu de ce qu’aucune de ces formes ne s’oppose, par elle-même, aux données de la saine raison et aux maximes de la doctrine chrétienne.

[…]

Mais les dirigeants de l’Action Française ne s’occupent pas seulement de la politique qui discute sur la forme de gouvernement et de la politique qui en règle l’exercice. Ils étudient, devant leurs élèves, bien d’autres problèmes qui relèvent directement du magistère ecclésiastique et dont les membres de l’Eglise enseignée – seraient-ils prêtres, princes ou dirigeants de l’Action Française, - ne peuvent traiter, si l’Eglise enseignante, représentée par le Pape et les Evêques, ne les y autorise par une délégation délivrée à la suite d’un examen constatant leur capacité et leur orthodoxie. »

 

En réponse à la lettre du cardinal Andrieu, Maurras écrit : « Cette lettre, dirigée toute entière contre L’Action Française, met en cause des livres de moi et de moi seul. »

Au contraire, le cardinal vise Maurras et « l’enseignement donné dans leur Institut et dans leurs diverses publications par les dirigeants de l’Action Française. »

Pourquoi ? Parce que cet enseignement exerce une mauvaise influence sur la jeunesse.

Maurras écrit également, opposant Pie X à Pie XI, en faisant allusion à la lettre qu’il adressa à Pie X, le 28 novembre 1913, que ses « explications ont été acceptées, alors, par la plus haute autorité du catholicisme. »

Or Pie X, on l’a su depuis, condamna Maurras, le 29 janvier 1914.

Maurras écrit aussi que « le cardinal de Cabrières, le cardinal Sevin, des Evêques, des Moines, ont déclaré son œuvre et son action rédemptrices. »

Soit ; mais ces cardinaux, Evêques, moines, n’étaient pas le Pape.

 

Le 8 septembre, les dirigeants catholiques de l’Action Française répondirent au cardinal Andrieu, par une lettre, destinée à donner le change.

En effet, ce ne sont pas spécialement les dirigeants catholiques de l’Action Française que le cardinal de Bordeaux a visés dans L’Aquitaine du 27 août 1926, mais surtout les dirigeants anti-catholiques de l’Action Française, et notamment Charles Maurras.

Sans doute, le cardinal de Bordeaux englobe tous les dirigeants de l’Action Française, non catholiques et catholiques, dans la même réprobation ; mais le cardinal Andrieu avait pour cela de bonnes raisons : les signataires catholiques de la protestation du 8 septembre se considèrent comme solidaires de Maurras dans sa querelle avec l’Autorité ecclésiastique.

 

Voici des extraits de la réponse de Pie XI au cardinal Andrieu, publiée le 5 septembre dans l’Osservatore Romano :

« C’est donc fort à propos que Votre Eminence laisse de côté les questions purement politiques, celle, par exemple, de la forme du gouvernement. Là-dessus, l’Eglise laisse à chacun la juste liberté. Mais on n’est pas, au contraire, également libre – Votre Eminence le fait bien remarquer – de suivre aveuglément les dirigeants de l’Action Française dans les choses qui regardent la foi ou la morale. »

 

Le cardinal Dubois écrit encore dans La Semaine Religieuse de Paris, du 10 octobre 1926 :

« Sur quoi porte cette réprobation ? Ce qui est blâmé, ce n’est pas la position « politique » de l’Action Française : on est libre de préférer la Royauté à la République. »

 

Ayant encouru la réprobation pontificale, Maurras, espérant échapper à la condamnation, adressa, le 12 octobre une lettre au Pape Pie XI.

 

Maurras prétend dans cette lettre :

1. Qu’ « à deux reprises, Pie X lui accorda sa paternelle bénédiction. »

Dans son livre, L’Action Française et le Vatican, pages 144 et 220, Maurras situe en janvier 1914 la première bénédiction pontificale ; la deuxième, vers fin juillet 1914.

Deux bénédictions en six mois !

Pour prouver cette invraisemblance, qui vient à l’appui de sa lettre du 12 octobre 1926 à Pie XI, Maurras affirme à nouveau dans son livre, L’Action Française et le Vatican, page 144, qu’au cours d’ « une audience particulière » d’ « un religieux éminent, ami de l’Action Française », Pie X lui accorda sa bénédiction, le 15 janvier 1914.

Maurras écrit :

« Avant de se retirer, le moine, agenouillé pour la bénédiction, dit :

_ Très Saint-Père, si j’osais, je vous demanderais une bénédiction spéciale pour Charles Maurras.

_ Oui, répondit-il, envoyez-la lui de ma part.

Le surlendemain, 17 janvier 1914, je reçus lettre et bénédiction. »

 

Lettre de qui ? Bénédiction de qui ?

Pas du Pape, ni de la Secrétairerie, ni du Vatican, en un mot, mais du « moine » dont parle Maurras.

Page 220, Maurras publie une lettre de Camille Bellaigue, en date du 18 septembre 1926, ainsi conçue :

« Vers la fin de juillet 1914, comme j’avais l’honneur de prendre congé du Pape Pie X, je lui demandai s’il me permettait de porter sa bénédiction à Charles Maurras. Le Saint-Père me répondit :

_ Notre bénédiction ! Mais toutes nos bénédictions ! Et dites-lui qu’il est un beau défenseur de la foi. »

M. Bellaigue ne sait même pas quel jour Pie X lui a remis sa bénédiction pour Maurras !

Cette confidence fut faite fin juillet 1914, par Saint Pie X à Camille Bellaigue, quelques jours donc avant la mort de saint Pie X ! !

Tout cela ne semble pas très sérieux : ou inventé ! Ou interprété ! Mais dans tous les cas exploité outrageusement.

 

Maurras d’ailleurs se garde bien de prouver que Pie X l’a béni deux fois ; il se borne à deux témoignages qui n’ont aucune valeur.

 

2. Maurras affirme que Pie X étendit sa protection sur lui et intervint en sa faveur pour lui « épargner une condamnation qui, en frappant deux de ses livres, eût retenti sur le reste de son action. »

Or, Pie X condamna les principales œuvres de Maurras, le 29 janvier 1914, comme un Document pontifical l’établira par la suite, contrairement à ce que prétend Maurras.

 

3. Maurras écrit qu’ « en parlant de ses livres, il a dit aux catholiques : ces livres ne sont pas pour vous ; ils peuvent faire du bien à d’autres Français, pas à vous. »

Or, ces livres étaient et sont toujours l’objet de réclames retentissantes, et dans les catalogues de la librairie de l’Action Française, adressées aux catholiques néo-royalistes, et dans le journal de Maurras.

 

4. Maurras affirme qu’ « il supprima ou amenda des passages de ses livres comme offensants pour les catholiques. »

Or, Maurras n’a amendé ses livres que dans la forme ; mais le fond païen n’a été amendé en aucune façon.

Maurras et ses collaborateurs l’ont déclaré dans l’Action Française du 1er février 1908, dans Le Correspondant du 10 juin 1908, dans La Politique Religieuse, page 92, en 1922, et les Documents pontificaux ultérieurs contestent ces amendements.

 

5. Maurras soutient qu’il prit « la défense de la politique universelle du premier successeur de Pie X, dans son livre Le Pape, la Guerre et la Paix. »

Or, l’Action Française est le journal le plus hostile à toute « politique universelle », et ce sont les néo-royalistes qui, les premiers, ont traité le Pape Benoît XV, de « Boche », dans les salons, dans les conversations courantes ; une foule de catholiques leur ont emboîté le pas, les ont imités ; et depuis 1926, l’Action Française ne cesse de publier que le cardinal Gasparri, le Vatican, et une partie de l’Episcopat français, notamment le cardinal Dubois, Archevêque de Paris, pensent comme les Allemands, ont une mentalité allemande, sont au service de l’Allemagne ; enfin, que Pie XI « est de goût germanique », comme l’imprime Maurras dans son journal du 15 décembre 1928.

 

6. Maurras déclare que les néo-royalistes « ont souffert des violences de toute sorte depuis l’assassinat, la prison et les coups, jusqu’à ces violences morales qui sont plus cruelles peut-être, telles que la falsification de notre pensée, qui nous impute des paroles jamais dites, des mots jamais écrits. »

Or, si les néo-royalistes ont souffert violences, prison, coups, assassinat, c’est parce qu’ils n’ont cessé de prêcher la violence, les coups, l’assassinat ; et leur pensée a été si peu falsifiée qu’elle s’étale au grand jour dans ses erreurs, que le Souverain Pontife a signalées et qu’il a été obligé de condamner.

 

 

L’Osservatore Romano, organe du Saint-Siège, publia un Document, dont la traduction a été faite au Vatican, et que les journaux ont reproduit le 11 novembre 1926.

Extrait :

« A vrai dire, au sujet de la phrase : « Maurras est un beau défenseur de la Foi », nous n’avons dans les Actes du Saint-Siège aucun document qui en fasse foi. Par ailleurs, que le regretté Pontife ait dit les paroles en question au défunt Cardinal de Cabrières, ou qu’il les ait dites à M. Bellaigue, comme d’autres le veulent et comme le même M. Bellaigue l’affirme, il est nécessaire, pour apprécier la valeur de la phrase, de connaître le contexte entier de l’entretien ; et, de toute façon, il est évident que Pie X ne peut avoir parlé que de ces quelques écrits de Maurras auxquels on peut reconnaître, comme nous le disions le 6 octobre, une certaine valeur apologétique.

Ensuite, pour ce qui concerne l’examen des œuvres de Maurras, il est parfaitement exact qu’elles furent examinées avec soin en siège compétant ; mais il est vrai également qu’elles furent reconnues passibles de condamnation, soit du point de vue de la doctrine dogmatique, soit de celui de la doctrine morale, et ce fut seulement pour des motifs extrinsèques d’opportunité (parmi lesquels, au premier rang, certaines bonnes dispositions que montrait l’auteur) qu’on décida de surseoir pour le moment à la grave mesure.

De nombreuses années ont passé depuis cet examen, les doctrines de Maurras n’ont malheureusement pas substantiellement changé. Ses livres, même l’un ou l’autre des plus mauvais ont été réimprimés. Il est vrai que l’auteur a supprimé telle ou telle page blasphématoires et changé l’une ou l’autre expression scabreuse ; mais les livres ont gardé dans leur ensemble leur paganisme et leur sensualisme et sont, comme par le passé, exposés au public avec un dommage incalculable des âmes. »

 

L’Action Française, au lieu de faire amende honorable, proteste contre la réprobation de l’autorité ecclésiastique à tous les degrés de la hiérarchie.

Mieux !

Le 8 décembre 1926, l’Action Française recommandait, en première page, Anthinéa :

« A lire Anthinéa, de Charles Maurras, vous partagerez l’émotion sincère de l’auteur et, pourrait-on dire, son enthousiasme raisonné pour l’antique civilisation Gréco-Latine. »

L’antique civilisation Gréco-Latine, c’est le paganisme, que Maurras recommande insolemment aux lecteurs de l’Action Française, au moment même où il est l’objet de la réprobation ecclésiastique !

 

Pie XI prononce alors, au Consistoire du 20 décembre 1926, une allocution en latin sur le parti, l’Ecole d’Action Française, l’Institut et le journal qui en dépendent.

Le 24 décembre, L’Action Française en révolte publiait sous le titre : Non possumus, une réponse au Pape.

 

L’Action Française imprime qu’elle « n’a jamais placé la politique avant la religion. »

Or, un des fondateurs de l’Action Française, Henri Vaugeois, a écrit dans cet organe, en 1904, tome 22, page 377 :

« Avant la Religion, le Gouvernement, car nous ne sommes pas au ciel, mais sur la terre. »

 

Maurras protestait encore, le 27 juillet 1927, contre ceux qui soutiennent qu’il a « enseigné la primauté de la politique sur la religion » ; il a protesté des centaines de fois contre ce reproche du cardinal Andrieu, et, par la suite, dans l’Action Française, depuis sa condamnation en Cour de Rome.

Cela prouve que Maurras préfère la protestation à la vérité.

 

Voici, en effet, des extraits d’une conférence tenue en 1914 par M. Gibert et publiée sous le titre : « Aux catholiques. La recherche de la Vérité Politique. Conférence d’Action Française » (Librairies Boudillet et Dubois, à Versailles) :

« Cette idée fixe, contraire à la raison, que le salut du pays doit venir par en bas, par la foule et sa rechristianisation et non par en haut par la conquête préalable du pouvoir » (page 20).

« Soyons catholiques avant tout quand il s’agit de notre foi ; mais plaçons la politique avant tout quand il s’agit de la patrie » (page 21).

« Au-dessus des œuvres catholiques, quelles qu’elles soient, même les plus saintes, il en est une autre qui les prime toutes, c’est l’œuvre du salut de la France » (page 23).

 

Pardon ! Au-dessus de la patrie, au dessus de la France, il y a Dieu et son Eglise, l’Eglise catholique. Dieu et son Eglise d’abord ; la patrie, la France, ensuite. Dieu et son Eglise au-dessus de tout.

 

L’Action Française affirme que « sur le terrain politique, les néo-royalistes ont le devoir de conserver l’usage de leur juste liberté. »

Or, personne ne leur conteste ce devoir.

 

 

4) La condamnation du 29 décembre 1926, par le Pape Pie XI

 

 

Cinq jours après le « Non possumus » de l’Action Française, le 29 décembre 1926, Pie XI publiait la condamnation des œuvres de Maurras et de la Revue bi-mensuelle L’Action Française, prononcée par Pie X, le 29 janvier 1914 ; et Pie XI étendait cette condamnation à l’Action Française quotidienne, en raison des injures que ce journal prodiguait, depuis le mois de septembre 1926, à toute la hiérarchie catholique.

 

L’Action Française du 28 décembre 1931 reproduisit une : « liste bien incomplète de ceux dont la conversion a été poussée jusqu’à l’entrée dans les Ordres.

En 1908, André Le Roy entre au Scolasticat de la Compagnie de Jésus ; en 1909, Joseph de Nailly et Emmanuel du Sac, au Séminaire de Versailles, René Bourges, au Séminaire de Rennes ; Jean Ferrié, au Séminaire de Montauban ; en 1910, Depeyre, au Séminaire Française de Rome ; José de la Colombière, au Noviciat des Chartreux exilés en Espagne ; Pierre Dumolin, au Séminaire de La Rochelle ; Pierre Dumesnil-Leblé, au Noviciat des Dominicains ; en 1911, Jules Chauvet, chez les Frères Mineurs exilés en Luxembourg ; en 1912, Cayron, au Noviciat des Pères Blancs ; Louis de Moront, chez les Bénédictins ; Georges de Viviès, chez les Bénédictins de la Congrégation cassinienne de la stricte observance, exilés en Espagne ; Henri François, chez les Capucins ; Henri Poiget, lieutenant d’artillerie, au Séminaire d’Orléans.

Voilà comment l’Action Française occasionne la perte de la foi catholique. »

 

Il est possible que l’Action Française ait déterminé quelques vocations ecclésiastiques ; mais on oublie d’expliquer comment un païen, en l’espèce Maurras, a pu être un agent de recrutement sacerdotal… Oublié également de publier les noms de ceux qui, écoeurés, des méthodes et moyens de l’Action Française, se sont, par centaines de mille, détournés de l’Eglise, comme aussi de la Monarchie. Son bilan est donc inexact.

Au demeurant, il est bien évident que l’Action Française n’a pas été condamnée pour les quelques services qu’elle a pu rendre ; elle a été condamnée pour le préjudice qu’elle a causé à l’Eglise catholique, préjudice qui l’emporte sur les services rendus.

 

 

Enfonçons encore le clou, pour bien montrer que la condamnation ne fut pas une condamnation d’ordre politique. Voici un extrait de la lettre du cardinal Dubois du 27 décembre 1926 :

« Non, l’intervention pontificale n’est pas d’ordre politique. Le Pape l’affirme. Les textes le prouvent : il suffit de les lire pour voir que Pie XI vise exclusivement la doctrine et les méthodes de l’Action Française et l’ouvre de ses principaux rédacteurs. Prétendre le contraire, c’est commettre une erreur.

Pie XI entend respecter formellement la liberté des citoyens français sur le terrain purement politique. Il n’oblige pas les royalistes à abandonner leurs préférences ; il ne leur interdit pas de les défendre par tous les moyens légitimes ; mais il réprouve certains ouvrages des chefs de l’Action Française comme contraires au dogme et à la morale ; il se refuse à voir dans ces chefs des guides sûrs pour les catholiques. »

 

Le colonel Larpent répliqua insolemment au cardinal Dubois qu’ « il est matériellement faux que le « Politique d’abord » signifie la préséance du pouvoir politique ou de l’action politique sur la morale et la religion.

Il est matériellement faux que « Par tous les moyens » – nous ajoutons « même légaux » - implique admission des moyens illégitimes. »

Ainsi, l’Action Française prétend que le « Politique d’abord » ne signifie pas « politique avant religion ».

C’est prétendre que le blanc est noir…

L’Action Française affirme que « Par tous les moyens » n’implique pas les moyens illégitimes.

Or, l’Action Française du 1er octobre 1907 préconise l’assassinat en ces termes mille fois répétés :

« Un jour ou l’autre, le Français indigène apercevra la nécessité du Risorgimento.

Nous ferons notre Tugendbund ; nous susciterons notre Sand et notre Orsini.

L’Action Française sème un grain qui finira bien par lever. »

 

 

5) Maurras et Pie X

 

 

Le Pape Pie XI adressa au cardinal Andrieu une lettre dans laquelle il lui annonçait la double condamnation encourue par Maurras et le journal l’Action Française, le 29 janvier 1914 et le 29 décembre 1926.

Extrait :

« Dans les feuilles ci-jointes, vous allez lire le premier un Décret touchant la grave question de l’Action Française, qui va paraître incessamment dans les Acta Apostolicae Sedis, avec les actes du dernier Consistoire. […]

Comme vous allez le voir, le Décret a une importance assez grande, ne serait-ce parce qu’il détruit d’un seul coup la légende qu’on a tissée, en bonne foi, comme nous aimons le croire, autour de Notre vénéré prédécesseur Pie X, de sainte mémoire. Comme vous voyez, non seulement il en résulte que ni vous, ni Nous, ni Nos coopérateurs et exécuteurs n’ont été les premiers à Nous saisir de ladite question ; mais il en résulte aussi que Nous avons fini là où Pie X a commencé.

[…]

Ce sont ces révélations qui ont mis le comble à la mesure, et Nous font proscrire le journal l’Action Française, comme Pie X a proscrit la revue bimensuelle du même nom.

Quant aux livres de Charles Maurras, proscrits par Pie X, etc. »

 

Voici maintenant le texte du Décret de la Suprême Congrégation du Saint-Office condamnant certaines œuvres de Charles Maurras et le journal l’Action Française :

« Le 29 janvier 1914 et le 29 décembre 1926 :

Comme plusieurs ont demandé qu’il fût fait une enquête diligente sur la pensée et l’intention de ce Siège Apostolique et surtout sur celles de Pie X, d’heureuse mémoire, touchant les œuvres et écrits de Charles Maurras et le périodique intitulé L’Action Française, S. S. le Pape Pie XI m’a ordonné, à moi, soussigné, Assesseur du Saint-Office, de rechercher avec soin les Actes et les dossiers de la Sacrée Congrégation de l’Index – qui, comme tous le savent, a été jointe et incorporée au Saint-Office – et de lui faire un Rapport.

Cette enquête achevée, voici ce qui a été constaté :

1. Dans la Congrégation préparatoire tenue le jeudi 15 janvier 1914 :

« Tous les Consulteurs furent unanimement d’avis que les quatre œuvres de Charles Maurras : Le Chemin de Paradis, Anthinéa, Les Amants de Venise et Trois Idées Politiques étaient vraiment mauvaises et donc, méritaient d’être prohibées ; à ces œuvres, ils déclarèrent qu’il fallait ajouter l’œuvre intitulée, L’Avenir de l’Intelligence.

Plusieurs Consulteurs voulurent qu’on y ajoutât aussi les livres intitulés : La Politique Religieuse et Si le Coup de Force est Possible.

2. Dans la Congrégation générale tenue le lundi 26 janvier 1914 :

L’Eminentissime cardinal Préfet a déclaré qu’il avait traité de cette affaire avec le Souverain Pontife et que le Saint-Père, en raison du nombre de pétitions à lui adressées de vive voix et par écrit, même par des personnages considérables, avait vraiment hésité un moment, mais enfin avait décidé que la Sacré Congrégation traitât cette affaire en pleine liberté, se réservant le droit de publier lui-même le Décret.

Les Eminentissimes Pères, entrant donc au cœur de la question, déclarèrent que, sans aucun doute possible, les livres désignés par les Consulteurs étaient vraiment très mauvais et méritaient censure, d’autant plus qu’il est bien difficile d’écarter les jeunes gens de ces livres, dont l’auteur leur est recommandé comme un Maître dans les questions politiques et littéraires et comme le Chef de ceux dont on doit attendre le salut de la patrie.

Les Eminentissimes Pères décidèrent unanimement de proscrire, au nom de la Sacrée Congrégation, les livres énumérés, mais de laisser la publication du Décret à la sagesse du Souverain Pontife.

Pour ce qui concerne le périodique l’Action Française, revue bimensuelle, les Eminentissimes Pères estimèrent qu’il fallait en décider comme des œuvres de Charles Maurras.

3. Le 29 janvier 1914 :

Le Secrétaire, reçu en audience par le Saint-Père, a rendu compte de tout ce qui s’est fait dans la dernière Congrégation.

Le Souverain Pontife se met aussitôt à parler de l’Action Française et des œuvres de M. Maurras, disant que de nombreux côtés il a reçu des requêtes lui demandant de ne pas laisser interdire ces œuvres par la Sacrée Congrégation, affirmant que ces œuvres sont cependant prohibées et doivent être considérées comme telles dès maintenant, selon la teneur de la proscription faite par la Sacrée Congrégation, le Souverain Pontife se réservant, toutefois, le droit d’indiquer le moment où le Décret devra être publié ; s’il se présente une nouvelle occasion de la faire, le Décret qui prohibe ce périodique et ces livres sera promulgué à la date d’aujourd’hui.

4. Le 14 avril 1915 :

Le Souverain Pontife (Benoît XV, d’heureuse mémoire) a interrogé le Secrétaire au sujet des livres de Charles Maurras et du périodique l’Action Française.

Le Secrétaire a rapporté en détail à Sa Sainteté tout ce que la Sacrée Congrégation avait fait à ce sujet et comment son prédécesseur, Pie X, de sainte mémoire, avait ratifié et approuvé la proscription prononcée par les Eminentissimes Pères, mais avait différé à un autre moment plus propice la publication du Décret.

Cela entendu, Sa Sainteté déclara que ce moment n’était pas encore venu ; car, la guerre durant encore, les passions politiques empêcheraient de porter un jugement  équitable sur cet acte du Saint-Siège.

Toutes ces choses ayant été rapportées avec soin à Notre Saint-Père par moi, soussigné, Assesseur du Saint-Office, Sa Sainteté a jugé qu’il était opportun de publier et de promulguer ce Décret du Pape Pie X et a décidé d’en effectuer la promulgation, avec la date prescrite par son prédécesseur, d’heureuse mémoire, Pie X.

De plus, en raison des articles écrits et publiés, ces jours derniers surtout, par le journal du même nom, L’Action Française, et, notamment, par Charles Maurras et par Léon Daudet, articles que tout homme sensé est obligé de reconnaître écrits contre le Siège Apostolique et le Pontife Romain lui-même, Sa Sainteté a confirmé la condamnation portée par son prédécesseur et l’a étendue au susdit quotidien l’Action Française, tel qu’il est publié aujourd’hui, de telle sorte que ce journal doit être tenu comme prohibé et condamné et doit être inscrit à l’Index des livres prohibés, sans préjudice de l’avenir d’enquêtes et de condamnations pour les ouvrages de l’un et de l’autre écrivain.

Donné à Rome, au Palais du Saint-Office, le 29 décembre 1926.

Par ordre du Saint-Père, Canali, Assesseur. »

 

 

Maurras commente sa condamnation, dans l’Action Française et le Vatican, pages 141 et suivantes, et attribue les trois premiers points du Décret au seul Secrétaire du Saint-Office, Mgr Esser, et non à l’Assesseur, Mgr Canali, chargé du Rapport au Pape Pie XI.

Or, le Secrétaire n’a eu, en l’espèce, qu’un rôle secondaire, le rôle principal étant tenu par le Rapporteur, l’Assesseur Canali.

Pourquoi cette rouerie de Maurras ?

On le verra dans un instant.

Maurras s’exprime en ces termes, page 211 :

« Ainsi, le Secrétaire de l’Index porte à sa Congrégation un témoignage ; le procès-verbal ne dit rien de plus : il témoigne de la conversation qu’il a eue avec le Souverain Pontife. Que vaut ce témoignage ? Ce qu’il vaut lui-même. Que vaut-il, lui ? »

Naturellement, selon Maurras, ce témoignage du Secrétaire de la Congrégation est suspect. En effet :

« Mgr Esser est Allemand ; il a dit ce que lui dictait sa passion allemande, sa passion de nationaliste anti-français ; ce témoin de l’Index, ce témoin dont le texte prend exactement 38 lignes sur les 106 du « Décret » qui nous condamne, ce témoin était donc quelque chose d’inférieur encore à un témoin nul ; c’est un faux-témoin ; mais on devrait cesser une bonne fois de nous dire que les conclusions tirées des faux rapports de l’Allemand Esser n’ont rien de politique ou que la condamnation de l’Action Française, coïncidant avec les faveurs prodiguées à Briand et au Centrum Allemand est détournée de son terrain, quand on se plaint du coup porté à la France.

Nous ne sommes pas des enfants ! Nous voyons bien que nous avons affaire, comme en 1914, veille de la guerre, en 1915, en pleine guerre, à un complot de pangermanistes et de germanophiles.

Nous en sommes une victime. Pas la seule. Pas la première. Il y en a deux autres : c’est, premièrement, la personne du Pape régnant dont la confiance est trompée ; secondement, le peuple français dont la paix morale est troublée. »

 

Comprenez-vous, maintenant, pourquoi Maurras charge le Secrétaire, Mgr Esser ?

Mgr Esser est Allemand. Donc suspect.

Il n’a joué qu’un rôle effacé. Le rôle principal a été tenu par le Rapporteur, Mgr Canali, puisqu’il a signé le Rapport, et, donc, en a assumé la responsabilité.

Mais Canali n’est pas Allemand ; il est Italien.

Maurras le dissimule, ne prononce pas même le nom de Canali, au cours de ses commentaires.

Ainsi, ses lecteurs seront convaincus, car ils ont, comme lui, la haine de l’Allemagne, que Mgr Esser a agie contre la France.

 

Et voilà ! La condamnation de Charles Maurras et de l’Action Française par le Pape est le résultat « d’un complot de pangermanistes et de germanophiles. »

 

Quoi qu’il en soit, Maurras et son œuvre ont bel et bien été condamnés par Pie X ; or, il met un acharnement de sophiste à publier qu’il n’a pas été condamné par Pie X, mais par Pie XI, et que Pie X a toujours refusé de le condamner.

 

Dans son livre, l’Action Française et le Vatican, pages 141 et suivantes, Maurras écrit :

« Voici deux témoignages de vivants :

Le Décret exhumé donne la date à laquelle se réunit la Congrégation de l’Index pour me juger : 15 janvier 1914.

Précisément, ce jour-là, le Pape Pie X recevait en audience particulière un religieux éminent[13], ami de l’Action Française, et lui disait :

_ Ils sont réunis aujourd’hui pour le condamner.

_ Je le sais, Saint-Père, dit le religieux, mais que feront-ils ?

_ Ils ne feront rien. Faranno niente, répondit le Pape, avec une extrême vigueur de regard et d’accent.

Avant de se retirer, le moine, agenouillé pour la bénédiction, dit :

_ Très Saint-Père, si j’osais, je vous demanderais une bénédiction spéciale pour Charles Maurras.

_ Oui, répondit-il, envoyez-la lui de ma part.

Le surlendemain, 17 janvier 1914, je reçus lettre et bénédiction.

Assurément, Pie X aurait pu changer d’avis aux dates plus récentes marquées par les documents retrouvés : 26 janvier, 29 janvier 1914.

Mais en juillet suivant, moins de six semaines avant la mort de Pie X, un autre Français[14] recevait de la même bouche sainte des déclarations aussi précises que les premières. C’était en réponse à mes remerciements pour la condamnation épargnée ;

_ Elle est là, dit le Pape, en montrant son bureau, et elle n’en sortira pas.

Pie X ajouta :

_ Ils venaient en colère comme des chiens, me dire :

_ Condamnez-le, Très Saint-Père, condamnez-le !

Je leur répondais :

_  Allez-vous-en, allez lire votre bréviaire, allez prier pour lui ! »

 

A la page 207, 208 et suivantes, Maurras répète infatigablement les mêmes paroles et les mêmes écrits.

Maurras écrit page 207, sans aucune précision de date, du reste, qu’ « un témoin »[15] lui apporta qu’à l’issue des délibérations de la Sacrée Congrégation, qui eurent lieu les 15, 26 et 29 janvier 1914, « le Pape Pie X signa sans broncher le Décret condamnant un autre écrivain français ; mais quand on lui tendit celui de Maurras, il le mit de coté. »

Maurras ajoute :

« Trois fois le Secrétaire de la Congrégation revint à la charge, trois fois le Pape repoussa le libellé ; et comme le Secrétaire insistait encore, le Pape prit la feuille et l’enfouit au fond de son bureau. »

 

Donc, de l’aveu même de Maurras, la Sacrée Congrégation l’a condamné ; mais le Pape Pie X n’a pas signé le Décret portant condamnation.

Page 208, sans aucune précision de date également, Maurras met en cause « un autre témoin »[16], auquel Pie X aurait dit, en désignant un tiroir de son bureau qu’il avait légèrement entr’ouvert :

« Nous avons là, mon cher fils, tout ce qu'il faut pour condamner Maurras. Mais nous croyons fort que les personnes qui nous ont si bien documenté ont agi beaucoup moins par amour et par zèle de la sainte religion que par haine des doctrines politiques soutenues par l'Action Française. »

Puis, refermant d'un geste sec le tiroir de son bureau, Pie X ajouta : « Aussi, moi vivant, l'Action Française ne sera jamais condamnée. Elle fait trop de bien, elle défend le principe d'autorité, elle défend l'ordre. »

Ainsi, de l’aveu même de Maurras, Pie X a dit à ce « témoin » :

« Nous avons là tout ce qu’il faut pour condamner l’Action Française », ce qui prouve que Pie X estimait que Maurras et l’Action Française méritaient la condamnation prononcée par la Sacrée Congrégation ; mais Maurras soutient que Pie X a dit encore au « témoin » en question :

« Moi vivant, jamais l’Action Française ne sera condamnée ».

Seulement, Maurras ne prouve pas que ce « témoin » a rapporté fidèlement les paroles de Pie X.

C’est pourquoi il ajoute :

« Ces graves paroles ne sont pas datées, il est vrai. Mais elles concordent avec celles qui ont été relatées en public et en privé par le cardinal de Cabrières, et le second témoin porteur de la seconde bénédiction de Pie X, les corrobore pour la date extrême de juillet. »

 

Les paroles du cardinal de Cabrières auxquelles Maurras fait allusion se rapportent à une audience accordée par Pie X au cardinal, Evêque de Montpellier.

Voici ces paroles du Cardinal, que Maurras situe à la date du 18 juin 1914, et qu’il publie dans l’Action Française et le Vatican, page 225 :

« Nous avons parlé de Maurras et j’ai vu le Saint-Père très résolu, et heureux de l’avoir protégé. »

Protégé, oui ; mais en ce sens que la condamnation n’a pas été publiée ; elle n’en avait pas moins été prononcée.

 

Dans l’Action Française et le Vatican, page 255, Maurras, continuant son apologie par un tiers, imprime que, le 3 août 1920, le Cardinal de Cabrières lui écrivit une lettre, parue dans l’Action Française du 6 août, même année :

« Au revoir, mon cher Maurras, et bien respectueusement à vous dans le souvenir du Pape Pie X, dont la volonté expresse vous a gardé pendant la guerre pour le bien de notre pays. »

Enfin, le 11 août 1921, le cardinal de Cabrières écrit ces mots que Maurras publie page 225 également :

« Si vous avez une minute à perdre, esquissez-moi un peu les principales vues de Maurras.

Je ne sais pas si elles se rencontrent avec les miennes ; mais je suis plein d’espérance, non pas tant pour la monarchie que pour la France elle-même. »

D’accord ; mais cela se passait en 1920 et 1921, c’est-à-dire six ans avant le condamnation publique de Maurras et de l’Action Française par Rome.

Il est évident que le cardinal avait beaucoup de sympathie pour Maurras et son œuvre.

Cela prouve que le cardinal s’est trompé, tout simplement, puisque le Pape a condamné Maurras et son œuvre.

Il n’y a pas de quoi être fier de l’erreur du cardinal de Cabrières.

A-t-il commis une erreur doctrinale se rapportant à la philosophie de Maurras ? Nous ne le croyons pas. Car il nous dit que sa philosophie était nettement « païenne et entachée d’agnosticisme » ; mais le cardinal espérait le ramener à l’Eglise catholique.

Mgr de Cabrières l’a dit, il l’a dit à Pie X, en lui demandant sa bienveillance pour Maurras, et il lui a épargné le publication de la condamnation encourue les 15, 26 et 29 janvier 1914.

Dès lors, l’indulgence Mgr de Cabrières pour Maurras est très compréhensible.

 

Il n’en demeure pas moins que l’ensemble de la logomachie de Maurras que l’ont vient de lire, et destinée à sa justification auprès de ses lecteurs catholiques, est précise comme l’extensibilité du caoutchouc, claire comme de l’eau de boudin, car elle met en contradiction Pie X, bénissant Maurras, duquel il dit :

« Nous avons là tout ce qu’il faut pour condamner l’Action Française. »

L’on a jamais vu un Pape bénissant un écrivain au moment même où il a dans « le tiroir de son bureau », tout ce qu’il faut pour condamner cet écrivain.

La contradiction est encore plus flagrante quand Maurras met dans la bouche de Pie X ces mots :

« Moi vivant, jamais l’Action Française ne sera condamnée. »

Alors, d’après Maurras, Pie X aurait manqué à son Devoir apostolique, en ne condamnant pas des livres condamnables, condamnés, d’ailleurs, par la Sacrée Congrégation et dont il a dit, je le répète :

« Nous avons là tout ce qu’il faut pour condamner l’Action Française ; mais moi vivant, jamais l’Action Française ne sera condamnée. »

Empêtré dans ses contradictions, Maurras ne se rend même pas compte de la fâcheuse posture dans laquelle il met Pie X.

Or, il s’abrite sous la mémoire de Pie X pour charger Pie XI.

Maurras divague comme un paranoïaque…

 

Maurras et ses collaborateurs commentèrent, longuement, la condamnation prononcée par Rome, en rabâchant les mêmes arguments.

Toutefois, l’Action Française des 6 et 7 décembre 1931, en polémique avec la Croix de l’Indre, commente le Décret de la Congrégation du Saint-Office du 29 décembre 1926 et nomme l’Assesseur Canali, mais pour affirmer, sans la moindre preuve, que ce prélat s’est livré à un « truquage ».

 

Extraits :

« Qu’est-ce qu’un Décret de la Congrégation du Saint-Office ? C’est une condamnation dont le texte est préparé par la Congrégation, mais qui ne devient « décret », c’est-à-dire qui n’est revêtu du caractère obligatoire, que lorsque le Pape l’a signé.

[…]

Et le fait de ne pas signer et de persister à ne pas signer est la preuve que celui dont la signature est nécessaire n’approuve pas.

[…]

Mgr Canali prête à Sa Sainteté Pie X un langage inadmissible. Si le Pape n’a pas signé, comment parle-t-il de « se réserver » un droit qu’il possède plano jure ?

Cette réserve quant à la date de la publication ne serait vraisemblable que si Pie X avait signé. Donc, il n’y a pas eu de Décret. »

 

Contrairement à ce que prétend l’Action Française, en droit civil, ce n’est pas la signature qui donne force de loi à un Décret, mais la publication.

Un Décret peut être signé par le Ministre compétent et par le Président de la République ; s’il n’est pas promulgué, il n’est pas exécutoire.

Voilà le point de croit civil : signature, promulgation.

De même, en droit canon.

Or, il était inutile que Pie X signât la condamnation de Maurras, puisqu’elle demeurait conditionnelle, suspensive, devait rester secrète, ne pas être publiée comme le stipule le Décret du 29 janvier 1914, sauf « s’il se présente une nouvelle occasion de la faire », c’est-à-dire si Maurras persiste dans ses erreurs doctrinales.

Ce jour-là, mais ce jour-là seulement, il devenait nécessaire de signer le Décret pour le publier, afin qu’il fût exécutoire. C’est ce qui a eu lieu.

Maurras persistant encore, en 1926, dans ses erreurs de doctrine, le Décret du 29 janvier 1914 fut signé le 29 décembre 1926 et promulgué à la date de la condamnation : 29 janvier 1914, comme le prévoyait le Décret de 1914.

Tout cela est normal, régulier, juridique, canonique.

 

Ainsi, répétons-le encore, ce n’est pas Pie XI qui a condamné les livres de Maurras ; c’est Pie X, dont Maurras se réclame et qu’il oppose à Pie XI en disant : « Pie X m’a béni et Pie XI m’a condamné. »

Or, Pie X n’a pas béni Charles Maurras, et Pie XI n’a fait que rendre publique la condamnation de ses livres et de l’Action Française bi-mensuelle prononcée par Pie X ; enfin, si Pie XI a étendu la condamnation au journal quotidien l’Action Française, ce n’est pas pour des motifs d’ordre politique, mais parce que cette feuille a publié des articles injurieux « contre le Siège apostolique et le Pontife romain lui-même. »

 

En soutenant que Pie XI a condamné pour des raisons politiques, comme il n’a cessé de le soutenir, Maurras a offensé la vérité.

 

 

Voici, pour ceux qui seraient encore aveugles, des extraits de la Déclaration des cardinaux, Archevêques et Evêques de France, au sujet des récentes décisions du Saint-Siège condamnant l’Action Française, déclaration publiée par les journaux du 9 mars 1927 :

« Les partisans de l’Action Française observent qu’il y a bien d’autres journaux qui sont dirigés et rédigés par des incroyants, dont les doctrines sont répréhensibles au point de vue de l’enseignement catholique, et qui cependant ne sont pas l’objet d’une prohibition nominale. Nous n’en disconvenons pas ; mais ces journaux n’ont pas organisé de groupement politique, ils n’enrôlent pas leurs lecteurs dans des Ligues, ils ne les réunissent pas autour des chaires d’un Institut d’enseignement ; ils ne prétendent pas faire d’éducation politique et sociale de la jeunesse.

[…]

L’Action Française est monarchiste : c’est son droit. Le Pape ne songe nullement à en entraver l’exercice. Mais il ne veut pas que, sous prétextes de restaurer la royauté en France, on inculque aux catholiques français des doctrines erronées et des principes d’action réprouvés par la morale chrétienne. »

 

Voyons la réponse de l’Action Française à l’épiscopat :

L’Action Française

1. Affirme qu’elle était « respectueuse du Pape. »

Or, ce journal le couvrait d’injures.

 

2. Que « son patriotisme lui interdisait de se soumettre ».

Ce qui implique que l’Action Française a, seule, le monopole du patriotisme et que les cardinaux, Archevêques et Evêques sont tous des ennemis de notre pays.

Enfin, s’il n’y a de vrais patriotes que les types d’Action Française, les patriotes ne sont pas nombreux en France, car sur les 42 millions de Français d’alors, on ne compte qu’une poignée de néo-royalistes.

 

3. Que « ses idées ont été approuvées pendant vingt ans par l’Eglise. »

Or, elles ont été approuvées non par l’Eglise, mais par des personnalités ecclésiastiques et combattues par d’autres personnalités religieuses jusqu’au jour où le Pape, seul juge, départagea les unes et les autres, en condamnant les doctrines de l’Action Française.

 

4. Que « jamais elle n’a eu une doctrine à elle en métaphysique, en morale et en religion. »

Or, toute la collection de l’Action Française révèle le contraire.

L’Institut d’Action Française, notamment, a enseigné la religion positiviste d’Auguste Comte.

Et, le 6 juin 1924, Maurras écrivait dans l’Action Française :

« L’Institut d’Action Française est plus qu’un arsenal d’idées politiques ; il doit être considéré comme un des principaux agents de restauration et de progrès de la pensée philosophique, esthétique, historique, économique, sur tous les points où elle a été corrompue et obscurcie par la fausse science. »

Preuve que l’Ecole néo-royaliste est bien une institution où l’enseignement « philosophique, esthétique », comme l’écrit Maurras.

 

5. Que « son Ecole n’est qu’une école politique, une doctrine politique ; son journal, un journal politique. »

Or, la jeunesse catholique belge, au cours d’un plébiscite, en 1925, a affirmé que Maurras est le maître de la jeunesse catholique.

Si l’Action Française n’est pas un parti politique, elle est une école, une doctrine, et comme telle, l’Eglise a un droit de regard sur cette doctrine et sur cette école.

Eh bien, de même que les jeunes catholiques belges ont soutenu que Maurras est le « maître de la pensée catholique », les jeunes catholiques néo-royalistes français ont fait chorus, préférant suivre Maurras, païen et condamné, plutôt que de suivre le Pape.

 

6. Que son influence « a produit des conversions au catholicisme et favorisé des vocations religieuses ».

Ce qui détruit l’affirmation précédente de l’Action Française disant « n’avoir jamais eu une doctrine à elle en métaphysique, en moral et en religion », car il tombe sous le sens que l’on ne peut convertir personne à une métaphysique, à une morale, à une religion, si l’on enseigne ni métaphysique, ni morale, ni religion…

 

7. que « son but était de travailler au retour de la Monarchie ».

Personne ne l’en empêche ; mais un des principaux obstacles au retour de la Monarchie est l’Action Française elle-même, qui rend odieuse la Cause royaliste.

 

Maurras fit appel à un certain de nombre de personnalités royalistes, comme par exemple la comtesse Françoise de la Tour du Pin, qui envoyèrent des lettes au cardinal Dubois.

Si Mme de la Tour du Pin et ses amies sont dans la douloureuse alternative de désobéir à l’Eglise ou de renoncer à lire l’Action Française, pourquoi ont-elles financé ce journal au lieu de soutenir La Gazette de France, journal catholique, royaliste et patriote que le Pape n’a jamais condamné.

8. L’Action Française prétend que « les accusés n’ont pas été entendus. »

Or, Maurras a soutenu que Dreyfus, condamné sur des pièces ignorées de lui, que Dreyfus qui n’avait pas été entendu sur les pièces en vertu desquelles il fut condamné, méritait condamnation.

Maurras a écrit et publié quatre mille deux cent onze articles, trois millions trois cent treize mille deux cent quatorze lignes pour soutenir que les juges de l’accusé Dreyfus avaient eu raison de la condamner sans l’entendre ; et, bien qu’acquitté par la Cour de Cassation, le jugeant innocent en dernier ressort, Maurras a écrit et publié encore deux mille seize articles, un million mille sept cent trois lignes pour prouver, sans aucun succès, la culpabilité de Dreyfus !

Maurras, les « accusés » d’Action Française ont donc mauvaise grâce à se plaindre d’avoir été condamnés par le Pape sans avoir été entendus.

Mais ils se plaignent à tort, car ils ont été entendus ; ils ont reçu de nombreux prélats, et, de Rome, de multiples avertissements, de paternels conseils, de charitables objurgations, sans vouloir les comprendre.

L’orgueil de Maurras est demeuré implacable et a précipité sa condamnation et celle de l’Action Française par le Pape.

 

9. L’Action Française prétend encore que « la délation, la calomnie, le chantage, etc., tout était mis en œuvre contre l’Ecole Maurras et contre les néo-royalistes. »

Plainte qui ne manque pas de saveur de la part de l’Action Française qui a dénoncé, calomnié plus de la moitié des Français sans parler des étrangers, pour faire honneur à ces principes néo-royalistes rappelés dans l’Action Française du 1er septembre 1905, page 317 :

« Soyons habiles, ayons la ruse, pratiquons la violence. Nous devons être tour à tour des combattants, des apôtres, des proxénètes. »

Au demeurant, les néo-royalistes n’ont été l’objet d’aucune « délation », d’aucune « calomnie », d’aucun « chantage » ; mais ceux d’entre eux qui n’ont pas voulu obéir au Pape ont été écartés de la famille catholique, voilà tout.

C’est profondément douloureux, mais la faute, - quoi qu’en dise l’Action Française – en est aux révoltés et notamment à leurs chefs, Maurras et Daudet.

 

Voici encore, pour les aveugles, un extrait d’une lettre du cardinal Dubois du 1er novembre 1927 :

« Inutile de le répéter. Vous savez – vous ne pouvez ignorer – à moins de traiter pratiquement de mensonge la parole pontificale :

_ Que le Pape n’a pas condamné l’Action Française parce que celle-ci défend la cause de la Monarchie ;

_ Qu’un catholique peut, en toute sûreté de conscience, préféré le régime monarchique à la forme républicaine.

_ Que la condamnation de l’Action Française n’avait pas pour but et ne saurait avoir pour effet de nuire aux intérêts de la France.

_ Que cette condamnation ne vise pas un groupement politique, mais une doctrine opposée sur nombre de points à l’enseignement de l’Eglise, une méthode et des procédés contraires aux lois de la morale chrétienne. »

 

Si la clientèle de Maurras était juive, protestante, non catholique en un mot, ses écrits païens n’auraient pas ému le Saint-Siège, car il n’a rien à perdre en perdant des juifs, des protestants, des non catholiques, puisque ce ne sont pas des brebis de son troupeau ; au contraire, le Souverain Pontife avait tout à perdre en laissant un païen comme Maurras exercer une immense influence sur des âmes catholiques.

Voilà pourquoi l’auteur  d’Anthinéa, de Chemin de Paradis, etc., etc.,  a été condamné, ainsi que l’Action Française bi-mensuelle.

Cette condamnation ayant mis Maurras en révolte, des injures en permanence, des diffamations à jet continu ayant été publiées par l’Action Française quotidienne, Rome a condamné ce journal également.

La politique royaliste n’y est pour rien ; mais les écrits païens et la révolte de Maurras, voilà la vérité.

 

Pie XI n’a pas condamné Maurras et l’Action Française pour leurs sentiments nationalistes et patriotiques, car il aurait condamné également, pour les mêmes motifs, beaucoup de royalistes de tradition et de bonapartistes, qui sont aussi nationalistes, aussi patriotes que Maurras ; il aurait condamné, enfin, Le Figaro, Le Gaulois, L’Echo de Paris, L’Ami du Peuple, La Croix, qui sont aussi nationalistes et aussi patriotes que l’Action Française.

Or, Pie XI n’a condamné ni les royalistes de tradition, ni les bonapartistes, ni Le Figaro, ni Le Gaulois, ni L’Echo de Paris, ni L’Ami du Peuple, ni La Croix pour leurs sentiments nationalistes et patriotiques ; il ne les a même pas blâmés ; il n’a condamné que Maurras et l’Action Française.

Donc, la condamnation de Maurras et de l’Action Française par le Pape n’a pas été prononcée contre la politique royaliste ou contre la politique nationaliste, mais pour le salut des âmes, la gloire de Dieu et l’honneur de l’Eglise.

 

 

Depuis le 29 décembre 1926, toutes les autorités ecclésiastiques et notamment le Pape ont dit et répété : « Maurras et l’Action Française ont été condamné pour tel et tel motif » ; et, chaque fois, l’Action Française a répondu : « Personne ne nous a jamais dit les motifs de notre condamnation »…

 

On peut lire dans l’Action Française du 8 novembre 1927 que « le Pape préfère l’Allemagne à la France » ; c’est « la vérité » ; « le devoir de l’Action Française était de le faire savoir pour qu’on se tînt en garde contre les conséquences de cette germanophilie constatée » ; « la politique pontificale est de droite, de patriotisme, de nationalisme, d’ordre public en Allemagne ; elle est de gauche, de sinistre, de désordre, d’internationalisme et démagogie dans notre pays. »

Voilà ! Le Pape est un « Boche ».

 

Depuis un an, l’Action Française traîne dans l’ordure les catholiques fidèles à Rome, la hiérarchie catholique, l’Eglise et le Pape ; et, dans le même numéro du 8 novembre 1927, où le journal de Maurras publie les injures que nous venons de relever, nous lisons :

« Or, nous défions l’expert le plus malveillant de trouver dans les colonnes de l’Action Française, même l’ombre d’une injure à l’égard du Père commun des fidèles, pour Lequel, dans l’attente de Sa justice et de la justice éternelle, nous ne professons que respect, vénération et dévouement. »

 

Maurras ne se contente pas de braver le Pape dans l’Action Française ; il le brave en rééditant Le Chemin de Paradis, que la Papauté  a condamné.

Il annonce, le 16 décembre 1927 et jours suivants, dans toute la presse, la réédition de Chemin de Paradis, en ces termes insolents :

« Merveille du style ! Ils sont parfois d’un réalisme singulier, ces contes et légendes antiques, transcrits par Charles Maurras dans son fameux Chemin de Paradis, prodigieux de rythme et de beauté verbale ! Mais jamais un détail qui choque ! Le nouveau « Prince de la Prose française » s’arrête toujours à temps… »

 

 

6) Les erreurs du cardinal Andrieu

 

 

Maurras se plaint et s’est plaint souvent dans l’Action Française que, par sa Lettre à des Jeunes Gens, datée du 27 août 1926, le cardinal Andrieu lui attribue ces propos : « le retour à l’esclavage » ; et « défense à Dieu d’entrer dans nos observatoires. »

Le cardinal de Bordeaux a commis, en effet, sinon des erreurs dans sa Lettre, du moins plusieurs interprétations non conformes.

 

Nous en relevons trois :

1. Les doctrines « vertuistes » de Maurras.

Maurras affirme que cette expression n’est pas de son vocabulaire.

En effet, l’Archevêque de Bordeaux l’a empruntée à Passelecq, qui, lui, ne l’attribue pas à Maurras.

 

2. Le « retour à l’esclavage ».

Passelecq a intitulé le chapitre critique des doctrines de Maurras : « Rétablissez au plus tôt l’esclavage » ; et le cardinal traduit : « Aussi, les dirigeants de l’Action Française osent-ils nous proposer l’esclavage. »

 

3. « Défense à Dieu d’entrer dans nos observatoires »[17]

Passelecq la cite comme pouvant s’appliquer à l’Ecole de Maurras ; et le Cardinal Andrieu l’attribue directement à cette Ecole ; mais, dans La Vie Catholique du 7 mai 1927, la cardinal a reconnu son erreur sur ce dernier point.

 

Ce sont là des questions de détail, qui ne causent aucun préjudice de fond ; mais Maurras s’en est fait une arme pour contester le bien fondé de la condamnation dont le Pape l’a frappé. Il a publié plusieurs centaines d’articles massifs, tendancieux, sophistiques pour se blanchir, sans d’ailleurs y parvenir.

 

On sait que Maurras regrette l’abolition de l’esclavage antique.

Le lui rappeler n’est pas lui faire dire ce qu’il n’a pas dit, mais lui faire dire ce qu’il a dit dans Chemin de Paradis, sur les bienfaits de l’esclavage.

On lit, page 26 du Chemin de Paradis, édition de 1927 (après la condamnation !) :

« Combien d’esclaves-nés, de notre connaissance, retrouveraient la paix au fond des ergastules d’où l’histoire moderne les a follement exilés.

Mourants de lâche inquiétude et pourris d’une élégiaque vanité, encore faudrait-il que l’on hâtât pour eux le bienfait du carcan, ou les verrons-nous parvenus en un état si avancé de décomposition que leur chair en lambeaux empoisonnerait les murènes. »

 

Le 25 mai 1931, Charles Maurras revient encore sur le même sujet : l’esclavage, en réponse à un article paru dans le journal Le Sud, édité à Montpellier, qui lui reprochait « l’esclavage, les ergastules et le bienfait du carcan », vantés dans le Chemin de Paradis :

« Je tiens à expliquer ce que j’ai dit réellement dans la préface de Chemin de Paradis et dans le conte des Serviteurs, que l’on a défigurés pour donner du corps et du montant à l’accusation d’esclavagisme et d’anticatholicisme portés contre moi.

J’écrivais dans la Préface de 1894 :

Combien d’esclaves nés de notre connaissance retrouveraient la paix au fond des ergastules d’où l’histoire moderne les a follement exilés.

La menace ne s’adressait nullement à des ouvriers ; mais (le contexte ne permettait pas de s’y tromper), à des hommes de lettres de notre connaissance dont nous critiquons la servilité intellectuelle. »

 

Il est exact que, dans la Préface de Chemin de Paradis, Maurras ne menace de « l’esclavage, des ergastules et du bienfait du carcan » que les hommes de lettres, en raison de leur « servilité intellectuelle », c’est-à-dire des hommes qui ne pensent pas comme lui, car Maurras ne les juges  serviles que parce qu’ils ne partagent pas son idéal dans tous les domaines de l’activité humaine ; mais comme la presque totalité des Français pense comme ces intellectuels, si Maurras restaurait la Monarchie, il rétablirait « l’esclavage, des ergastules et du bienfait du carcan », non seulement pour ces intellectuels, mais aussi pour tous ceux : bourgeois, ouvriers, paysans qui ne penseraient pas comme lui, et ne crieraient pas avec lui : « Vive le Roy ! »

 

Maurras continue en ces termes, à se défendre dans le journal Le Sud et dans l’Action Française du 25 mai 1931 :

« Quant au conte « Les Serviteurs », il parut pour la première fois dans la Revue Bleue, et j’avais fait suivre le discours du Dieu Mercure annonçant à Androclès que l’abolition de l’esclavage serait suivie du triomphe, qui ne laissait pas de doute sur ma pensée :

Ici, le psychologue manque de bonne foi, et le dieu des voleurs se montre aussi le dieu des sophistes.

Mercure aurait dû ajouter ( car le bon Androclès n’en pouvait rien prévoir) que la besogne des esclaves fut, durant plus de mille années, accomplies grâce à la servitude des Ordres religieux aidés par la Chevalerie, par des Confréries d’ouvriers et d’artistes habilement organisées pour la prospérité de tous.

L’harmonie de cet univers ne courut vraiment de danger que depuis deux ou trois cents ans.

C'est-à-dire depuis la Réforme ou la Révolution.

Ainsi,  dans la Revue Bleue, qui n’était rien moins que catholique, j’avais tenu à préciser ma gratitude pour les bienfaits de l’ordre social que l’Eglise catholique fit longtemps régner dans le monde. »

 

Il est exact, également, que le conte Les Serviteurs parut la première fois dans la Revue Bleue, le 30 avril 1892, et que Maurras fit suivre le discours de Mercure annonçant à Androclès, esclave romain, l’abolition de l’esclavage et le triomphe du christianisme ; il est exact, enfin, que Maurras publia en même temps la Note ci-dessus reproduite : « Ici le psychologue… », qui, déclare-t-il, ne laissait pas de doute sur sa pensée.

Quelle pensée était celle de Maurras ?

Il ne le dit pas clairement, mais il laisse entendre qu’elle était catholique, en expliquant que « la besogne des esclaves fut accomplie grâce à la servitude des Ordres religieux, aidés par la Chevalerie, par des Confréries d’ouvriers et d’artistes » ; mais cette servitude des Ordres religieux n’a rien de commun avec l’esclavage païen et ne saurait souffrir d’être mise en parallèle avec lui.

Pour achever de convaincre le lecteur que sa pensée était catholique, Charles Maurras fait remarquer « qu’il a publié le conte Serviteurs dans la Revue Bleue qui n’était rien moins que catholique », et où, dit-il, « j’avais tenu à préciser ma gratitude pour les bienfaits de l’ordre social que l’Eglise catholique fit longtemps régner dans le monde. »

Cet argument ne prouve rien, ou, s’il prouve quelque chose, c’est le contraire de ce que veut établir Maurras.

En effet, Maurras a publié, dans La Gazette de France, beaucoup plus catholique que la Revue Bleue, des articles littéraires foncièrement anticatholiques, notamment cette citation de Jules Soury, rédacteur à l’Action Française :

« Les dogmes de l’Eglise n’ont paru à quelques-uns une tyrannie que depuis qu’un Pontife s’est avisé de les prendre au sérieux. »

C’est dans  La Gazette de France du 12 octobre 1901 que Charles Maurras fit publier cette grossière injure à l’adresse de la Papauté.

Dans  La Gazette de France du 19 janvier 1909, Maurras a fait l’éloge de la morale de Nietzsche.

L’explication de Maurras sur le retour à « l’esclavage », les « ergastules » et « le bienfait du carcan » ne justifie donc pas que sa pensée soit catholique.

 

 

7) Toujours l’antigermanisme primaire

 

 

Les néo-royalistes ont joué beaucoup de l’absoute donnée à la dépouille mortelle de Briand, le 12 mars 1932, par le cardinal Verdier :

« Les honneurs liturgiques sont refusés aux partisans de l’Action Française […] alors que des ennemis de l’Eglise, comme Aristide Briand, sont honorés, à leur mort, de l’absoute d’un cardinal. C’est abominable. »

Or, quelques jours avant de mourir, Aristide Briand fit appeler à son chevet le cardinal Verdier. Rendez-vous fut pris. Mais l’état de Briand s’étant subitement aggravé, au point de perdre connaissance, le rendez-vous fut contre-mandé et remis au lendemain, dans l’espoir que le malade pourrait recevoir utilement le visite de l’Archevêque de Paris. Le lendemain, Briand expirait.

Briand, relevé de l’excommunication[18] et ayant fait appeler à son chevet le cardinal Verdier ; Bainville, révolté contre l’Eglise et ne s’étant pas rétracté, il est normal que l’Archevêque de Paris accordât l’absoute au premier et la refusât au second.

 

Comme l’écrit le R. P. Merklen dans La Croix du 10 février 1935 :

« Obligé de prendre des mesures disciplinaires pour montrer à ses enfants récalcitrants la gravité de leurs fautes et pour sauvegarder le bien commun de la chrétienté, l’Eglise n’en agit pas moins comme une bonne mère, prête, au moindre signe de repentir, à interpréter en bonne part l’attitude du mourant, prompte, en présence d’un amoindrissement du danger de contamination, à atténuer ses sévérités.

En principe, sa conduite est identique envers les divers pécheurs publics auxquels elle est obligé de refuser l’absolution des péchés et la sépulture ecclésiastique.

Si le médecin, les témoins, les amis déclarent que le suicidé n’était plus vraiment conscient de ses actes ou maître de lui – le cas est fréquent avec le vie fiévreuse que mènent nos contemporains – elle lui ouvre ses portes.

Su un apostat, un franc-maçon, meurent impénitents, elle est dans la nécessité de les lui fermer.

Mais tout péché est rémissible.

Notre-Seigneur n’y a mis qu’une seule condition, condition de bon sens, de nécessité naturelle et philosophique ; un péché ne peut être pardonné que si d’abord il est reconnu, avoué, regretté.

Comment accorder les sacrements, la sépulture chrétienne, la bénédiction de l’Eglise à qui refuse jusqu’au bout, en pleine conscience et avec opiniâtreté, obéissance à celui qui représente Notre-Seigneur, unique Sauveur de nos âmes ?

Les insoumis de l’Action Française se mettent malheureusement trop souvent dans ce cas. »

 

Maurras écrit le 15 décembre 1928 « qu’une bande de philoboches » est campée au Vatican » ; que « le Saint-Père est de goût germanique » ; qu’ « à Rome on se demande, d’un cœur pieux, si la Paix ne régnerait pas sur le Monde en prenant, une fois pour toutes, le parti de donner le monde aux Allemands. »

 

Bien entendu, Maurras critiqua, à maintes reprises, les clauses du Traité de Latran, intervenu entre le  Souverain Pontife et l’Italie, le 11 février 1929.

 

Le 25 août 1929, Pie XI écrit une lettre au Cardinal Dubois, à l’occasion de son jubilé sacerdotal, et proclame l’hérésie de l’Action Française. Voici un extrait de cette lettre, publiée par La Croix du 13 septembre 1929 :

« Comme un bon capitaine, vous avez soutenu la lutte contre cette hérésie (car c’est de ce nom qu’on peut et doit désormais l’appeler) qui tire son nom du journal l’Action Française… »

 

Maurras écrit, dans l’Action Française du 5 février 1932 :

« La Cité du Vatican est régie par un Pontificat dont l’action décennale n’a cessé d’être pro-allemande, un Pontificat devenu l’étroit allié du fascisme, au moment où le fascisme est devenu l’ami de l’Allemagne et qui n’a jamais favorisé en France que la Politique antifrançaise d’Aristide Briand. Les rigueurs déployées contre l’Action Française furent par excellence l’œuvre du Pontificat le plus allemand de l’histoire. »

 

Maurras a publié souvent que « le Pape Pie XI est le plus Allemand de l’Histoire ».

Pour donner plus de poids à cette affirmation, Maurras se réfère à La Gazette de Cologne du 31 mai 1927.

En effet, dans La Gazette de Cologne page 1, colonne 1, sous le titre : Le Pape Pie XI, on peut lire :

« Depuis la mort d’Adrien VI, Pie XI, par ses actes et son caractère, est certainement le plus Allemand des Papes qui ait trôné sur le siège de Saint-Pierre. »

Mais l’auteur de l’article explique cette phrase en ce sens que Pie XI a des ascendances allemandes...

 

Les Français aussi ont des ascendances germaniques, notamment les Princes de la Maison de France. Ils n’en sont pas moins Français, comme Pie XI est universel, parce que Vicaire du Christ.

 

Rappelons d’ailleurs que Pie XI n’est pas si pro-allemand que ça :

Il a fait comprendre au clergé lorrain et alsacien, né allemand, qu’il devait fidélité à la France depuis le retour de l’Alsace-Lorraine à la mère-patrie.

Les prêtes autonomistes alsaciens : Abbés Schiess, Haegy, etc., en firent l’expérience, le Saint-Siège leur ayant donné tort et donné raison à leur Evêque, Mgr Ruch, loyaliste français, comme le publient avec Le Temps les journaux français du 21 février 1931.

Chacun sait également que le Pape ne cessa de s’élever contre les tendances païennes du Gouvernement du Chancelier Hitler, qu’il a réprouvé par des actes publiques.

Après cela, que reste-t-il des insinuations perfides de l’Action Française contre Pie XI, « le Pape le plus Allemand de l’Histoire » ?

 

Les néo-royalistes, trompés par Maurras, ont cru et croient encore que le Souverain Pontife désavoue la Monarchie, la France, et qu’il est un agent de l’Allemagne…

 

 

 

Lucien Thomas écrit page 270 : « il est acquis que Pie XI a ardemment désiré le dénouement de la crise de l’Action Française et qu’il y a apporté tous ses soins personnels. La mort, seule, l’a empêché d’y mettre le point final. »

 

Il écrit également, page 237 :

« Dès le mois de février 1929, Pie XI sollicite d’ardentes prières à Sainte Thérèse pour obtenir le dénouement du conflit. »[19]

Encore une preuve que la condamnation fut prononcée par des raisons religieuses et non politiques. Elles n’étaient pas politiques, car le Pape Pie XI, en 1929, n’a pas changé de politique vis-à-vis de l’Allemagne. En 1934, après l’assassinat de Dollfuss, oui, en 1929, non.

 

 

 

 

 

 

V] La Levée de l’Index

 

 

 

Le 18 juin 1939, Mgr Beaussart convoqua Robert de Boisfleury et lui remit le texte de la déclaration qu’il convenait de faire signer par les dirigeants de l’Action Française et qui reproduisait exactement les termes du projet confié à Mgr Ottaviani deux mois plus tôt.

 

 

1) La lettre de soumission présentée par le conseil de direction de l’Action Française

 

 

Voici la lettre de soumission que les dirigeants de l’Action Française ont adressés au Saint-Père le 19 juin 1939 :

« Texte de la déclaration présentée par le conseil de direction du journal l’Action Française :

 

Très Saint Père,

Nous soussignés, membres du Comité-directeur du journal L’Action Française unis dans les sentiments de la plus profonde vénération pour Votre Sainteté.

Mettons à Ses Pieds, au début de Son Pontificat, marqué déjà des signes universellement reconnus de la Justice et de la Paix, la sincère et loyale déclaration de nos intentions et des assurances par lesquelles nous voulons renouveler l’expression des sentiments que nous avons déjà soumis au très regretté et vénéré Pontife Pie XI, de sainte mémoire, dans notre lettre du 20 Novembre 1938, pour obtenir le retrait de la mise à l’Index, prononcée par la Suprême Sacrée Congrégation du Saint-Office contre le journal L’Action Française.

1) Pour ce qui concerne le passé, nous exprimons la plus sincère tristesse de ce qui, dans les polémiques et controverses antérieures et postérieures au Décret de condamnation du Saint-Office, le 29 Décembre 1926, a paru et a été de notre part irrespectueux, injurieux et même injuste envers la Personne du Pape, envers le Saint-Siège et la Hiérarchie Ecclésiastique, et contraire au respect que tous doivent avoir pour toute Autorité dans l’Église.

2) Pour tout ce qui regarde en particulier la Doctrine, tous ceux d’entre nous qui sont Catholiques, en réprouvant tout ce qu’ils ont pu écrire d’erroné, rejettent complètement tout principe et toute théorie qui soient contraires aux enseignements de l’Église Catholique, enseignements pour lesquels nous professons unanimement le plus profond respect.

3) Nous déclarons et assurons en outre que nous voulons être très attentifs à rédiger le journal, de telle manière que, ni les collaborateurs, ni les lecteurs n’y trouvent rien qui, directement ou indirectement, trouble leur conscience et qui s’oppose à l’adhésion due aux enseignements et aux directives d’ordre religieux et moral de l’Église.

Nous affirmons formellement notre volonté unanime de développer notre activité de journalistes, même dans le domaine social et politique, de façon à ne jamais manquer, pour ce qui est des Catholiques, à la soumission et, pour nous tous, au respect dû aux directives de l’Autorité Ecclésiastique dans les problèmes qui, en ce domaine social et politique, intéressent l’Église par leurs rapports avec sa fin surnaturelle.

Depuis longtemps, Très Saint Père, les violences, attaques et toute autre attitude du journal qui ont motivé la condamnation de 1926, ont cessé et sont désavouées.

C’est pourquoi nous osons demander au Père qui tient les Clefs de la Miséricorde et de la Justice, de daigner considérer, en terminant l’examen déjà commencé par Sa Sainteté Pie XI, si, selon Son jugement souverain, les justes motifs de prohibition ayant, ce nous semble, cessé d’exister, celle-ci ne pourrait légitimement tomber à son tour.

Et nous mettons aux Pieds de Votre Sainteté, avec l’hommage de notre profonde vénération, celui de notre dévouement inaltérable, en sollicitant de tout cœur les Bénédictions du Père commun sur chacune de nos personnes et, par delà, sur toute notre France, fille aînée de l’Église, à laquelle nous avons dévoué notre vie.

Paris, le 19 Juin 1939.

Léon Daudet, Co-directeur de L’Action Française;

Ch. Maurras, Co-directeur de L’Action Française.

Maurice Pujo, Rédacteur en chef de L’Action Française.

Paul Robain.

Jacques Delebecque.

F. de Lassus.

Robert de Boisfleury, Administrateur délégué de L’Action Française.

Général de Partouneaux, Président du Conseil d’Administration.

M. de Roux, avocat, leur défenseur et conseilleur. »

 

 

2) Le Décret du Saint Office levant la prohibition du journal l’Action Française

 

 

Voici maintenant le Décret du Saint Office levant la prohibition du journal l’Action Française, daté du 5 juillet et promulgué par Pie XII le 10 juillet :

 

« Mercredi 5 juillet 1939

Par décret du 29 décembre 1926 de cette même Suprême Sacrée Congrégation du Saint Office, le journal L’Action Française, tel qu’il était édité alors, fut condamné et inséré à l’Index des livres interdits, en considération de ce qui y était écrit, en ces jours-là particulièrement, contre le Saint-Siège et contre le Souverain Pontife lui-même.

Cependant, par lettre remise au Souverain Pontife Pie XI le 20 novembre 1938, le Conseil de direction de ce journal se soumit, et présenta une demande en vue de lever la prohibition du journal, demande qui fut soumise à l’examen de cette S. Congrégation.

Et récemment le dit Conseil, renouvelant sa demande, donna ouvertement de louables marques de respect envers le Saint-Siège, réprouva les erreurs et fournit des garanties concernant la révérence due au Magistère de l’Eglise, par lettre du 19 juin 1939 adressée au Pape Pie XII heureusement régnant ; le texte en est reporté dans l’Annexe I.

C’est pourquoi, lors de l’assemblée générale de la Suprême Sacrée Congrégation du Saint Office du mercredi 5 juillet 1939, les Éminentissimes et Révérendissimes Seigneurs Cardinaux chargés de protéger les choses concernant la foi et les mœurs, ayant entendu les Éminentissimes et Révérendissimes Seigneurs Cardinaux de la France, ont établi ce qui suit :

Du jour de la promulgation de ce Décret, l’interdiction de lire et de posséder le susdit journal L’Action Française est levée, restant interdits les écrits recensés JUSQUE ICI dans l’Index des livres interdits ; cependant cette Suprême Sacrée Congrégation n’entend porter aucun jugement sur les choses concernant les préférences strictement politiques, ni sur les finalités que se propose ce journal dans son combat politique, du moment qu’elles ne s’opposent pas à la loi morale ; et ce doit être bien compris.

L’idée est la suivante : restant sauf ce que le Saint-Siège a souvent proposé, tant concernant la distinction des choses religieuses vis-à-vis des affaires purement politiques, tant concernant la sujétion des affaires politiques à la loi morale, et tant concernant les principes et les responsabilités transmis pour promouvoir et protéger l’action catholique, on recommande instamment aux Révérendissimes Ordinaires de France de veiller à faire observer ce qui a déjà été statué en la matière par la Conférence des Cardinaux et Archevêques de 1936, et que reporte l’Annexe II.

Et le jeudi suivant, le 6 du même mois de la même année, Sa Sainteté Pie XII, Souverain Pontife de par la Divine Providence, au cours de l’audience habituellement concédée à l’Excellentissime et Révérendissime Assesseur du Saint Office, a approuvé la résolution des Éminentissimes Pères telle qu’elle lui a été rapportée, il l’a confirmée et a ordonné de la publier.

Donné à Rome, au Palais du Saint Office, le 10 juillet 1939.

Romulus Pantanetti, Notaire de la Suprême et Sacrée Congrégation du Saint Office. »

 

 

Comme l’écrit Jacques Prévotat dans son livre : Les catholiques et l’Action Française. Histoire d’une condamnation 1899-1939 (Fayard, 2001, page 522) :

« Le Décret, daté du 29 décembre 1926, qui ajoute au catalogue de l’Index le quotidien l’Action Française, il demeure valide jusqu’au 10 juillet 1939, jour de la promulgation et de l’entrée en vigueur du décret de Pie XII qui retire ce journal du catalogue de l’Index et en autorise la lecture, en raison de la soumission de ses dirigeants. Les numéros antérieurs à cette date demeurent, eux, inscrits.

Annulation d’une condamnation ? Réhabilitation ? En réalité, le décret de la congrégation du Saint-Office du 10 juillet 1939 prend acte d’une rétractation et d’une soumission qui rendent sans objet le maintien de la condamnation du journal l’Action Française ainsi que les sanctions qui frappaient ses lecteurs. »

 

Pie XII répondit à Maurras qui lui avait écrit pour le remercier à la suite de la levée des sanctions : « La décision que j’ai prise n’est pas un acte de bonté mais de justice. »

Ce n’est pas un acte de bonté, mais de justice : justice, oui, car maintenant que les dirigeants d’Action Française ont rétracté leur erreurs, le maintien de la condamnation n’a plus lieu d’être.

 

L’Action Française a été absoute, car elle a rétracté ses erreurs.

 

 

 

 

 

 

 

VI] Mais Maurras récidive, avec son ouvrage Le Bienheureux Pie X, sauveur de la France

 

 

 

La première réflexion qui ressort de la lecture du Bienheureux Pie X, sauveur de la France ( publié en 1953) est celle d'une tromperie. Ce n'est pas l'apologie de Saint Pie X que fait Maurras, mais c'est l'apologie de Maurras à partir de réflexions vraies ou fausses qu'aurait faites Saint Pie X.

 

 

Dans ce livre, Maurras justifie, avec quelques nuances, l’ensemble de ses positions antérieures.

Le livre de Maurras suscita un vif article de Mgr Fontenelle, qui, dans La Croix, dénonce la contradiction entre le contenu du livre et la publication, en appendice, de la lettre de soumission de 1939.

Par la plume de son sous-directeur, Alessandrini, l’Osservatore Romano critique l’ensemble du livre, fondé sur « une prétendue contradiction entre Pie X et Pie XI », et de ce fait inacceptable. L’auteur forge, pour les besoins de sa cause, l’absurde légende selon laquelle de faux numéros du journal auraient été fabriqués pour tromper Pie XI.

 

Légende qui a la vie dure. Mais que les personnalités d’Action Française semblent maintenant rejeter. Comme par exemple Philippe Prévost, qui écrit dans son ouvrage : La Croix, la croix gammée et les fleurs de Lys, page 141 :

« Il faut remarquer que cette hypothèse de faux numéros de l’Action Française fabriqués pour tromper le Pape était, certes, absurde. »[20]

 

Bref, avec ce livre de Maurras, certains prélats ont douté, non sans raisons, de la sincérité de la « soumission » de Maurras en 1939.

 

Comme l’écrit Louis-Hubert Rémy :

« Sa conversion finale, au dernier moment, grâce obtenue par de nombreuses prières. S’est-il complètement converti ? La réponse appartient à Dieu. Cette conversion ne justifie pas toutes les erreurs passées.

Il est évident que Maurras fut attaqué, prit des coups, a été courageux. Ce n’est pas suffisant. D’autres le furent tout autant.

Il est évident que dans les écrits de Maurras il y a d’excellentes pages. Mais à ces excellentes s’en ajoutent d’autres bien plus mauvaises. On pourrait dire : ne parlons que des bonnes. C’est justement cet état d’esprit qui est dangereux.

Car, qui aura la formation, les connaissances, les lumières suffisantes pour faire un choix indubitable ? A voir le comportement de ses partisans ce choix est bien difficile à faire sans se tromper. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conclusion

 

 

Les mensonges de Maurras et de ses partisans ne doivent plus nous voiler la vérité.

Nous avons montré que la condamnation de l’Action Française ne fut pas un second Ralliement. Ce ne fut pas pour des raisons politiques que l’Action Française fut condamnée, mais pour des motifs religieux.

 

En ce qui concerne la crise, qui dura de 1926 à 1939, elle aurait pu être évitée dès le départ par une lettre de soumission, similaire à celle de 1939.

 

Nous terminerons avec Hugues Petit, qui écrit dans son ouvrage L’Eglise, le Sillon et l’Action Française :

« Un autre dénouement était-il impossible ? La soumission de Maurras n'aurait-elle pas eu des conséquences décisives pour l'Église de France ? En s'inclinant, n'aurait-il pas démontré son attachement naturel, à défaut d'être surnaturel, au catholicisme ? N'aurait-il pas ainsi apporté le plus cinglant démenti à la principale critique de la hiérarchie ? S'il est clair que pareil sacrifice ne pouvait avoir de sens pour un agnostique on se doit de constater que les maurrassiens catholiques n'eurent pas la vision surnaturelle qui les aurait conduits, avec leur chef, au sacrifice suprême : celui de l'intelligence.

La soumission de l'Action Française aurait donné à la doctrine des monarchistes une sorte de consécration, au sens le plus fort du terme. »

 

 

 

 

 

 

Annexe I : L’audience de Pie X à la mère de Maurras

 

 

 

« Je bénis son oeuvre, elle aboutira ». Dieu sait combien cette phrase de saint Pie X est répétée et combien on essaie d'en faire découler une justification de l'oeuvre de Maurras.

Relisons donc avec attention l'entretien accordé par saint Pie X à la mère de Maurras en 1911 :

«  - Ne parlez pas à votre fils de ce que je vais vous dire

... Ne lui en dites jamais rien.

... MAIS JE BENIS SON OEUVRE.

Il se tut, pour ajouter :

- ELLE ABOUTIRA.

Tel fut le trésor que ma mère emporta de Rome.

Elle ne m'en fit jamais part.

Pendant les onze années qui lui restaient à vivre, elle n'y fit aucune allusion.

... J'eus la clef du mystère huit jours après sa mort, survenue le 5 novembre 1922. Deux amies à qui elle s'était confiée, me donnèrent le secret des paroles pontificales : mon oeuvre a été bénie de Pie X. Elle aboutira.

J'avais la prophétie et la bénédiction de ce Bienheureux ». [21]

 

Tels sont les faits racontés par Maurras. Des questions se posent, comme le remarque Louis-Hubert Rémy :

« Pourquoi saint Pie X demande-t-il de ne pas en parler ? S'il considérait que l'oeuvre de Maurras devait aboutir, on ne comprend pas bien ce silence exigé de sa mère ! ! !

D'autant plus que son oeuvre n'a jamais abouti (cent ans de stérilité) et ne pouvait pas aboutir. Mettre un d'Orléans descendant de régicide, comme roi de France, Lieutenant de Jésus-Christ, vrai Roi de France! Quelle parodie ! Quelle caricature ! Quelle honte ! Quel blasphème !

Sa mère qui ne devait pas en parler, ne jamais rien dire, l’a quand même confié à deux amies.

Cette confidence secrète, si importante, a été transmise à Maurras par deux amies (dont il ne donne pas les noms) huit jours après la mort de sa mère ! ! ! Ce secret, on doit le croire sur parole !

Et tout cela a été transmis par Maurras onze ans après ; après la mort de saint Pie X, après la mort de sa mère, après la mort des deux confidentes ! ! !

Et tout cela nous est transmis après la mort de Maurras ! ! !

Pourquoi d’ailleurs ? Une telle confidence, aussi importante, si elle est vraie, aurait du être proclamée. Elle le fut d’ailleurs depuis, puisque sans arrêt on nous la cite. Pourquoi saint Pie X ne l’a-t-il pas déclarée lui-même ?

Cela fait beaucoup d’après. On veut bien faire un gros effort pour avaler une telle prophétie, mais cinquante ans après... ! ! ! »

 

 

 

 

 

Annexe II : Mgr Lefebvre et l’Action Française

 

 

 

Extrait de la conférence de presse de Mgr Lefebvre du 15 septembre 1976, texte paru intégralement dans Itinéraires, numéro spécial hors-série « La Condamnation sauvage de Mgr Lefebvre », décembre 1976, pages 218 et suivantes :

« Question. _ A Lille il y avait des partis politiques d’extrême-droite qui assistaient à votre messe, est-ce que vous pensez vous en désolidariser ?

Mgr Lefebvre. _ Oui, absolument. Je n’ai pas été satisfait de voir qu’à l’entrée de la salle de Lille on distribuait Aspects de la France. Je ne vois pas pourquoi. Je ne suis pas Action Française. Je ne les méprise pas. Au contraire, dans une certaine mesure, je pense qu’ils essayent de défendre une bonne cause. Mais j’ai regretté qu’ils soient là parce que je ne veux pas qu’on me lie à des choses auxquelles je ne suis pas lié du tout. Je ne suis pas abonné à Aspects de la France et je ne connais même pas ceux qui le rédigent.

[…]

Question._ Est-ce que c’est Maurras qui forme vos idées politiques ?

Mgr Lefebvre. _ Non, pas du tout. Je peux dire que je n’ai pas connu Maurras, je n’ai même pas lu ses œuvres : je suis peut-être un ignorant à ce point de vue-là.

Question. _ Pie XI avait condamné Maurras.

Mgr Lefebvre. _ Oui, je sais, mais je vous dis que je ne suis pas maurrassien. »

 

 

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[1] Ecart isolé, dit-on, et dont le coupable doit seul porter la responsabilité. Mais si la Revue qui accepte pareille prose n’est pas et ne doit pas être estimée solidaire, quelle en est donc la portée ?

De plus, lorsque l’Action Française publia de larges extraits de Union des Trois Aristocraties, Hugues Rebell venait de mourir, et l’Action Française loua cet ouvrage dans son numéro de juillet 1905, page 246 :

« H. Rebell, dont les Lettres pleurent la mort prématurée, fut un des premiers artisans de la réaction qui s’est faite dans les intelligences politiques de beaucoup de jeunes Français à la fin du XIXe siècle. L’éloquent plaidoyer qu’il publia en 1894 en faveur de l’union des trois aristocraties (la richesse, la race, l’intelligence) témoigne de l’importance et de la qualité de sa coopération primitive au mouvement que systématise notre Revue. »

[2] Ernest Renauld, né en 1869, ancien directeur du journal Le Soleil.

A écrit également :

L’Expulsion des juifs (Pierret, Paris, 1897).

Le péril protestant (Tolra, Paris, 1899).

La Conquête protestante (Retaux, Paris, 1900).

1914-1919, Histoire populaire de la guerre (Tolra, Paris, 3 Tomes, 1921-1924).

Seul défaut de l’auteur : son orléanisme.

[3] Jacques Prévotat, Les catholiques et l’Action Française. Histoire d’une condamnation 1899-1939, Fayard, 2001, pages 254-255.

[4] Les procès de Faenza et de Vérone disent que Louis-Philippe est le fils du geôlier Chiappini, de Modigliana.

[5] Extrait : « Me de Roux n’ayant apporté dans son travail aucune preuve nouvelle, il me suffira de rappeler que, depuis longtemps, nous avons rétorqué tous ces arguments spécieux qui n’ont pas grande valeur historique, puisque, à l’heure actuelle, aucun historien sérieux n’ose plus affirmer la mort de Louis XVII au Temple. M. Bainville, lui-même, se voit obligé de noter un doute sur cette affirmation qui pourtant, chez vous, devrait être un dogme. »

[6]  (La Légitimité, organes des Naundorffistes, janvier 1926).

[7] La Gueuse (1908-1910), en vente à la Librairie d’Action Française, en mai 1936.

[8] Urbain Degoulet-Gohier (1862-1951)

D’abord dreyfusard et antimilitariste, il se rapproche par la suite de Drumont. En 1916, crée une petite revue antimaçonnique et antisémite qui, dès l'année suivante, prendra pour titre La Vieille France avant de disparaître en 1924. Ennemi juré de l'Action Française, jugée trop molle, voire quasiment « enjuivée ».

En 1929, il fit paraître un hebdomadaire à la fois antisémite et « anti-orléaniste » : La Nouvelle Aurore.

[9] Le prénom du fondateur de l’Ecole néo-royaliste est Photius, d’origine byzantine.

Ainsi, comme l’écrit l’abbé Fabien Chalenave, « Maurras est un Berbère mitigé de Grec. »

[10] Ernest Renauld, L’Action Française contre l’Eglise catholique et contre la Monarchie, Tolra, Paris, 1937, pages 120-121.

[11] Le Syllabus, promulgué en 1864, contient la liste des erreurs condamnées par le Pape Pie IX.

[12] Le Cardinal Andrieu avait pourtant adressée une lettre élogieuse à Charles Maurras, en date du 31 octobre 1915. Mais heureusement, le cardinal s’est aperçu de la nocivité des écrits de Maurras, et changea d’avis sur son compte.

[13] Il s’agit du R. P. Pègues, mort en avril 1936.

[14] Il s’agit de Camille Bellaigue.

[15] Il s’agit en fait toujours du Père Pègues, lors de son audience du 15 janvier 1914.

[16] Mgr Charost, alors évêque de Lille.

[17] « Défense à Dieu d’entrer ». Citation de Victor Hugo, dans Abel et Caïn (La légende des siècles).

[18] Le cardinal Verdier et Mgr Maglione firent observer à Chiappe, Préfet de Police, qu’Aristide Briand était relevé de l’excommunication consécutive à la Séparation de l’Eglise et de l’Etat et autres mesures persécutrices auxquelles il s’était associé, puisqu’il avait causé avec le Pape pour le rétablissement des relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège.

[19] Les Annales de Sainte Thérèse de Lisieux (août-septembre 1939) disent textuellement :

« Le 19 février 1929, S.S. Pie XI, de si vénérée mémoire, remettait officiellement à la médiation de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus le dénouement d’une crise douloureuse qui angoissait son cœur paternel. Par l’intermédiaire de son secrétaire d’Etat – alors S.E. le cardinal Gasparri – le Souverain Pontife faisait demander au Monastère de « Son Etoile » que des prières instantes lui soient adressées « chaque jour, d’un seul cœur et d’une seule âme », pour que, par son intercession, vienne à cesser la « grande pitié » de la situation que créait, pour l’Eglise de France, la situation de l’Action Française. »

[20] Mais il ajoute : « mais qu’elle était la conséquence d’un profond sentiment de charité. » (sic)

[21] Charles Maurras, Le Bienheureux Pie X, sauveur de la France, Paris, Plon, 1953, pages 52-53.